Je me suis levé lundi matin sur cette nouvelle incroyable selon laquelle 1% des habitants de la planète allait bientôt être plus riche que les 99% qui composent le reste de la population mondiale. Sidérant…
Puis je me suis rappelé cette offre «sensationnelle» de Tangerine qui m’annonçait la semaine dernière par courriel que j'étais admissible à un prêt REER de 15 000$ (décidément, tout le monde veut me prêter de l'argent ces temps-ci).
Le prêt était préautorisé. Il ne suffisait que de cliquer sur un lien sur le site de la banque virtuelle pour accéder à l'argent, qui serait ensuite versé dans un compte d'épargne REER de l'ancienne ING Direct Canada (dans le giron de la Banque Scotia depuis 2012).
Normalement, le courriel aurait pris le chemin de la corbeille. Mais le texte de la promotion était accrocheur. Ça disait en gros ceci: nous vous prêtons 15 000$ à un taux d’intérêt de 1,5% (c’est excellent) si vous les placez dans un compte d’épargne REER qui verse 2,55%.
J’ai alors ressenti comme un chatouillement dans le cortex. Non pas que le rendement sur le placement soit extraordinaire, au contraire. Mais la banque versait des intérêts plus élevés sur le dépôt que ceux qu’elle exigeait sur le prêt! Tout le contraire de ce qui caractérise une banque! Y avait-il une erreur?
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J’ai plongé dans les conditions écrites en petits caractères, en bas, puis je suis allé lire les détails, sur le site Web. J'ai également appelé au service à la clientèle pour me rendre compte qu’il s’agissait d’une habile manoeuvre de marketing (le placement, c'est une industrie, il faut s'en rappeler). On déchante rapidement en se rendant compte que le fameux 2,55% de rendement n’est appliqué que durant une période très limitée, soit jusqu’au 31 mars. L’intérêt est abaissé automatiquement à 1,3% dès le lendemain (poisson d’avril!).
Aussi, le prêt doit être remboursé en un an, sans quoi,… bien je ne le sais pas vraiment, pas plus d'ailleurs que l’agent au service à la clientèle de Tangerine à qui j'ai parlé. «Bonne question, je ne sais pas», a-t-il balbutié quand j'ai réclamé des détails. Tant pis…
Résumons: c’est le temps des REER. Tangerine offre de me prêter 15 000$ à 1,5% d’intérêt que je dois rembourser en un an. Cet argent est transféré vers un compte d’épargne REER qui me procure 2,55% jusqu’au 31 mars, soit durant 2 mois et demi. Le rendement tombe ensuite à 1,3%.
Supposons que vous réglez le tiers du prêt au jour 1 avec le remboursement d’impôt obtenu grâce à votre contribution REER. Votre prêt s’élève donc en réalité à 10 000$. Pour essuyer cette dette en un an, vous devrez rembourser 839$ et des poussières chaque mois. À la fin de l’année, vous aurez payé 69$ en intérêt. (Question: si vous avez été incapable de contribuer au REER en 2014 sans un prêt, comment ferez-vous pour rembourser une somme pareille chaque mois en 2015?)
Que vous rapporteront les 15 000$? À 2,55%, votre placement génèrerait 80$ environ si vous aviez placé l’argent le 15 janvier (jusqu’au 31 mars). Et quelque 155 $ sur les 9 mois et demi suivants, à un taux de 1,3%.
Au bout d’un an, cette «complexe» opération financière et les sacrifices que vous devrez consentir pour rembourser le prêt dans le délai prévu génèrera un gain époustouflant de 165$. Attaboy ! Vous avez battu la banque! Mais au final, vous aurez obtenu un rendement net de 1,1%. Et à moins que vous ne sortiez votre argent de là au plus vite, vos rendements pour les années subséquentes seront misérables.
Pour placer des sommes temporairement auxquelles vous voulez accéder rapidement au besoin, un compte bancaire qui n’a d’enflé que le nom (pas le rendement), est sans doute l’idéal. Mais dans un REER ? Pour un investissement à long terme ?
C'est pourtant le genre de placement que favorisent de plus en plus les jeunes de 18 à 29 ans, même pour de l'argent dont ils n’auraient pas besoin pendant 10 ans. Un investissement de 15 000$ dans un placement garanti qui offre un rendement si peu élevé que 1,3% génèrera tout juste 2000$ de gain en 10 ans. En supposant une inflation de 2% par année (la cible de la Banque du Canada), les 17 000$ n'équivaudront plus qu'à 14 000 en dollars d'aujourd'hui. Et plus le temps passe, plus ça empire...
Bref, investir dans une chose pareille, c'est s'appauvrir à coup sûr.
Bill Gates et Warren Buffett auraient alors raison de vous dire : «tant pis pour vous!»
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