Alors qu'on est à évaluer la hauteur de la vague d'austérité qui s'approche, il y a des vieux qui se demandent... rien. Ils sont tellement tranquilles dans leur coin qu'il s'en trouve pour passer à côté d'un revenu mensuel qui les ferait passer de la pauvreté crasse à la pauvreté ordinaire.
Les personnes âgées à faible revenu ont droit en effet à ce qu'on appelle le Supplément de revenu garanti (SRG). C'est un peu comme l'aide sociale du troisième âge. En tout cas, c'est ainsi qu'on le désigne souvent. Pour les plus mal pris, cela équivaut à un chèque d’un peu plus de 760 $ par mois en provenance d'Ottawa. Dès qu’un retraité commence à déclarer des revenus (régime complémentaire de retraite, retrait du FERR, revenus de placement, Régie des rentes), ce supplément commence à fondre pour disparaître totalement lorsqu’il gagne la somme faramineuse de 17 088$ par année, s’il est célibataire.
Suivez-moi sur Twitter
Pour lire mes billets précédents
Or, il y a encore de nombreuses personnes qui y ont droit mais qui n'en bénéficient pas. Pourquoi ? Pour la recevoir, il faut s'inscrire. Bien que le gouvernement fédéral fait beaucoup d'efforts pour simplifier cette procédure, il ne reste pas moins qu'il faut poser un geste pour obtenir son dû. Or, parmi les gens éligibles au SRG, on compte des personnes vulnérables et mal informées qui ne savent même pas que ça existe.
Les organismes de protection des droits des ainés militent depuis des années pour que l'inscription soit automatique. Ottawa n’est pas contre, mais c’est compliqué il parait. Vous savez, l’informatique, c’est capricieux. Et les fonctionnaires fédéraux sont souvent plus acharnés à retracer ceux qui «abusent» de l’assurance emploi que nos patriarches et nos matriarches qui vivent dans l’indigence.
Mais le plus révoltant, ce n'est pas que des gens n'aient pas accès à une aide pour lesquels elle a été conçue. Non. Le plus choquant, c’est qu’il y a des retraités bien en moyen qui s’en prévalent grâce à une planification financière bien ficelée. Il suffit de ne pas déclarer de revenu ou très peu pour réclamer le SRG, quand bien même vous vivriez dans un palais.
Par exemple, vous pourriez être un entrepreneur retraité qui ne s’est jamais versé de salaire (donc qui n’a jamais contribué à la Régie des rentes), qui a accumulé des actifs importants dans des comptes hors-REER (ou mieux, dans le CÉLI) et vivre grassement en puisant dedans tout en réclamant le SRG pour payer l’abonnement au club de golf. L’exemple est gros, mais à plusieurs occasions, des planificateurs financiers m’ont candidement raconté comment ils parvenaient à «maximiser» la situation de certains de leurs bons clients pour qu’ils touchent le SRG.
Car si on dit que le SRG est l’aide sociale des retraités, il ne s’en distingue pas moins sur un point important: les critères d'éligibilité.
Avant de vous verser de l’aide sociale, Québec va s’assurer que vous ayez épuisé pratiquement toutes vos ressources. Pas de chèque pour vous si vous détenez un bien immobilier de 90 000 dollars ou plus (ça existe encore des biens immobiliers qui valent moins? En tout cas, pas dans la région de Montréal où la moitié de la population de la province est concentrée). Pas de chèque non plus si vous détenez l’équivalent de 887 $ en liquidités. Bref, on fera en sorte que vous ayez bien le cul sur la paille avant de vous émettre un chèque.
(Précision: Emploi Québec m'a appelé pour préciser un élément qui n'apparait pas sur leur site Internet. Il y a un moratoire temporaire sur l'exclusion des biens immobiliers en raison de la hausse des prix du marché.)
Ce n’est pas le cas du SRG qui est versé uniquement en fonction du revenu déclaré. L’ironie dans tout ça, c’est que de plus en plus de retraités en moyen pourront aspirer au SRG pour arrondir leur fin de mois. Grâce au CÉLI, dont la capacité ne cesse d'augmenter, de vieux ratoureux pourront dans quelques années vivre sur les rendements de leurs placements sans avoir à les déclarer: les gains à l’intérieur du CÉLI ne sont pas imposables ! Par ici le SRG.
On se retrouve donc dans une situation où, comme on le voit trop souvent, les plus riches parviennent à s’enrichir grâce à des expertises qu’ils peuvent s’offrir, alors que de l’autre côté, les moins nantis s’appauvrissent parce qu’ils sont trop mal informés.
Vivement un conseiller financier pour chaque citoyen! Ou du moins, changez les règles du SRG.
Suivez-moi sur Twitter
Pour lire mes billets précédents