À mes débuts en journalisme, au milieu des années 1990, la pige était une étape obligée (ça n'a pas changé). Les médias embauchaient au compte-goutte (c'est pire maintenant qu'à l'époque). L'industrie, tout comme l'ensemble de l'économie, était figée dans une sorte de torpeur dont seul le boom Internet, quelques années plus tard, a pu nous sortir.
Ce n'était pas vraiment un purgatoire, mais une sorte d'antichambre où l'on améliorait néanmoins son sort après des années passées à manger des pâtes et à contribuer gratuitement à des journaux étudiants. C'était la voie pour faire ses premières armes et se faire connaître. C'était un pis-aller temporaire, comme pour la majorité des travailleurs autonomes, tous métiers confondus.
Aujourd'hui, le statut d'indépendant est enveloppé d'une nouvelle aura. On admire davantage qu'avant les entrepreneurs, ceux qui se lancent à leur compte, qui font dans la consultation, qui trouvent leur niche. C'est particulièrement le cas dans les domaines de la création, de la communication, du service-conseil et des technologies. Les start-up sont glamour, les free-lance sont cool. Il plane depuis quelques années une sorte de culte du travailleur indépendant, du moins dans certains milieux particulièrement actifs sur les réseaux sociaux.
De manière assumée, de plus en plus de travailleurs renoncent aux avantages sociaux et à la paie aux deux semaines pour travailler à leurs heures à la maison, pour se moquer des bulletins de la circulation ou mieux encore, de la météo, en emportant leurs pénates dans le Sud.
Pourtant, si l'autonomie a perdu ce vernis qui l'associait à la précarité, les travailleurs indépendants ne sont pas moins confrontés à des défis financiers gigantesques. Ils doivent se constituer une clientèle, gérer des comptes à recevoir, composer avec des rentrées d'argent erratiques, payer les honoraires d'un bon comptable. Et surtout, comme tout le monde, ils doivent penser à la retraite.
Bien sûr, ces considérations ne doivent pas éteindre l'élan entrepreneurial. Mais il faut y penser. Il ne suffit donc pas de courir après les contrats, il faut en plus souscrire soi-même l'assurance invalidité, payer deux fois plutôt qu'une les contributions à la Régie des rentes et se constituer tout seul un coussin pour ses vieux jours.
C'est à juste titre que les autonomes qui réussissent méritent notre admiration. Plus encore quand on connaît le défi particulier auquel ils sont confrontés en matière de finances personnelles.