L’ensemble des propositions contenues dans le rapport Godbout est ambitieux: baisses d’impôts, hausses de taxes et de tarifs, ménage dans les crédits d’impôt. Tout ça sans alourdir le fardeau fiscal des contribuables ni augmenter les revenus de l’État. Alors pourquoi? À quoi comparer ça?
Imaginez que vous remplaciez votre fourgonnette américaine de 2003 par une vigoureuse petite voiture japonaise de l’année. Votre nouveau véhicule vous transporte du point A au point B comme pouvait le faire votre ancien. Mais il le fait de manière plus efficace. Moins gourmande, plus performante, direction assistée, quatre roues motrices, détecteur de collision imminente,… la climatisation! Wow!
Mais bon, il y a moins de place dans la nouvelle voiture et elle est bien moins pratique pour charroyer du bois. Les améliorations sont considérables, mais il y aura toujours un peu matière à chialer. Dans le fond, nous rêvons tous de nous transporter avec notre corde de bois en téléporteur comme dans Star Trek, mais c’est rêver en couleurs, un peu comme vouloir vivre dans un monde sans impôts, ni taxes, ni tarifs tout en bénéficiant des services cinq étoiles de l’État.
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Revenons à la petite nipponne à quatre roues motrices. Elle comporte 71 nouvelles caractéristiques. Vous ne savez pas trop à quoi elles servent au début, vous les découvrez graduellement, puis vous tombez sur ce piton: bouclier fiscal. Hein? Un bouclier!
Parmi les 71 recommandations contenues dans le touffu rapport Godbout, c’est sans doute l’élément qui a attiré le plus mon attention: l’instauration d’un bouclier fiscal. C’est à se demander pourquoi ça n’a pas été inventé avant.
Un bouclier sert à protéger, mais celui dont on parle ne sert pas à nous protéger du fisc, mais de certains effets pervers du régime fiscal dont sont parfois victimes les contribuables à revenus modestes.
D’abord, rappelons qu’un régime fiscal ne consiste pas seulement en un État qui pompe de l’argent des poches des particuliers et des sociétés. Bien sûr, cela permet de financer les services publics et le fonctionnement de l’État, mais il sert aussi de levier pour satisfaire d’autres objectifs. Par exemple, favoriser la redistribution de richesse; encourager les couples à faire des enfants; inciter les entreprises à innover, etc.
Les meilleurs outils fiscaux pour réaliser ces objectifs sont les crédits d’impôt. Si un contribuable, un particulier ou une entreprise, répond à certains critères, il a droit à des crédits d’impôt qui viennent alléger son fardeau fiscal.
Or, de nombreux crédits d’impôt, de même que certains programmes sociofiscaux, sont déterminés en fonction du revenu. L’accès à ces crédits est resserré à mesure que le revenu du contribuable augmente, jusqu’à disparaître. Le meilleur exemple et le crédit à la TPS au fédéral.
Qui est concerné
Qui est concerné
Les ménages à revenu modeste et dans le bas de la fourchette des revenus moyens, particulièrement ceux avec de jeunes enfants, bénéficient de plusieurs crédits et autres mesures fiscales avantageux. Or, si ces familles augmentent seulement un peu le revenu, elles perdent en partie ou en totalité les bénéfices de ces mesures sociales.
C’est ce qu’on appelle le taux implicite d’imposition. Celui-ci tient compte des pertes dont je viens de parler et de l’impôt à payer pour chaque dollar supplémentaire de revenu gagné.
Le taux d’imposition implicite peut dépasser parfois les 80%, selon ce qu’a calculé Dany Provost, actuaire et planificateur financier, dans cette chronique publiée dans le magazine Les Affaires Plus.
80%! Cela veut dire que le pauvre contribuable ne conserve que 20 cents pour un dollar gagné de plus, en calculant les pertes en crédit d’impôt et autres programmes sociofiscaux. Ça ne donne pas le goût de faire des heures supplémentaires! Je ne connais pas une personne avec un revenu élevé qui accepterait de retourner 80 % de son revenu supplémentaire au gouvernement. C’est pourtant la réalité de gens qui ne joignent souvent pas les deux bouts.
C’est ce que vient atténuer le fameux «bouclier». Il s’agirait grosso modo d’une déduction fiscale sur les hausses de revenus (50% de 5000 $) pour les contribuables qui bénéficient de la prime au travail, du crédit d’impôt pour la solidarité et le crédit d’impôt pour les frais de garde.
Selon les chiffres avancés par la commission Godbout, près de 800 000 ménages québécois sont touchés plus ou moins sévèrement par cette distorsion de notre régime fiscal. Vous vous demandez si vous en êtes ? Si votre revenu familial se situe sous les 75 000, il y a de fortes chances. Les plus touchés sont les familles à revenu modeste qui comptent deux jeunes enfants.
La Commission a calculé que pour un couple avec deux enfants dont le revenu familial s’élève à 41 000$, le taux implicite d’imposition s’élève actuellement à 61,3% pour les 1000 dollars supplémentaires gagnés. Le bouclier fiscal permettrait de le ramener à 43%.
C’est bien mieux, mais encore trop. Pour le ramener à des niveaux convenables, Ottawa devra suivre. Car une bonne partie du problème vient aussi de la fiscalité fédérale.
Et si Québec devait choisir à la pièce parmi les recommandations du rapport Godbout, je lui suggère fortement l’option «bouclier fiscal».
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