C’est l’hécatombe au bureau. Les microbes déciment les troupes malgré les mesures sanitaires que nous avons implantées dans notre îlot de travail : pas d’accolade, ni de poignée de mains au retour des fêtes. Alors nous avons échangé nos voeux à distance.
-«Hey, bonne année, je te souhaite de la santé, c’est le plus important! Alors ne me touche pas, vecteur de virus!»
L'initiative s'est révélée peu efficace. À peine arrivés de vacances, les gens ont commencé à puiser dans les congés de maladie.
S'ils tombent au combat malgré nos précautions, je soupçonne mes voisins de bureau d’avoir des soucis d’argent. Vous savez, le cordonnier mal chaussé… Vous devriez entendre ça, ça n’arrête pas de se vanter de leurs bons coups en Bourse. Mais ils parlent bien peu des titres désastreux (on les appelle «les chiens») qui minent les performances de leur portefeuille. Les gens sont souvent comme ça: ils pavoisent alors qu'au fond, il n'y pas de quoi se péter les bretelles.
C’est comme ceux qui se saignent pour acheter une maison manoir et qui la remplissent avec du mobilier colonial dépareillé acheté de seconde main. C’est beau en dehors, mais dedans, ça fait dur. Et ils se gardent bien d'inviter les gens à souper, question de sauver les apparences. D'ailleurs, ils n'auraient que des spaghettis à leur offrir. Ça jure un peu avec le garage double et la tourelle...
« Alors viennent les bobos pour faire la lumière sur cette imposture. Vous ne saviez pas? Les soucis financiers peuvent rendre malade. »
Alors viennent les bobos pour faire la lumière sur cette imposture. Vous ne saviez pas? Les soucis financiers peuvent rendre malade. Le Centre d’intervention budgétaire et sociale de Trois-Rivières a mené des études il y a déjà plusieurs années pour établir un lien entre la santé physique et la situation financière d’un individu. On est arrivé à la conclusion que 95% des gens surendettés (c’est beaucoup de monde) montraient des symptômes d’anxiété, contre 18 % dans la population en général. Et 94% disaient souffrir de problème de santé.
Pas étonnant, les anxieux seraient plus à risque d’accumuler de la graisse à l’abdomen puisqu’ils produisent à l’excès l’hormone du stress, le cortisol, selon d’autres études, dont celles menées par une éminence mondiale en la matière, la chercheuse québécoise Sonia Lupien. Et comme on sait, une surcharge pondérale, c’est le début des problèmes divers de santé.
L’école de médecine de la Northwestern University de Chicago s’est penchée sur la question en 2013, notamment chez les sujets de 24 à 32 ans. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que les jeunes surendettés étaient plus stressés et montraient davantage de signes de dépression, sans compter qu’ils affichaient une pression sanguine plus élevée. «On ne se serait pas attendus à voir une relation entre l’endettement et la santé physique chez des individus aussi jeunes», selon l’auteure principale de cette étude.
La relation entre l’endettement et la santé est si claire dans l’esprit de Pascale Lahaie que cette médecin de Trois-Rivières est allée jusqu’à prescrire un redressement financier à certains de ses patients. Elle les référait au Centre d’intervention budgétaire et sociale de Trois-Rivières pour qu’ils recouvrent la santé financière et physique!
Si le lien est si net, cela soulève des questions. Devrions-nous imputer une part des responsabilités aux prêteurs?
Contrairement aux chaînes de restauration rapide qui n’ont pas accès au dossier médical de leurs clients, les prêteurs ont une bonne idée de la situation financière de ceux qui cognent à leurs portes. Pourquoi accorder une capacité d’emprunt plus grande que ce que les gens peuvent assumer?
Je n’ai rien contre le crédit, il faut vivre en son temps, mais il y a quand même des limites.
Si une situation financière précaire peut causer des problèmes de santé physique, je le demande encore une fois, qu’attend-on pour ramener l’éducation financière à l’école ? Et quand allons-nous généraliser l’accès à des conseillers financiers et budgétaires?
Alors, on se souhaite quoi? Santé et prospérité ? Ou l’inverse?
Mes excuses
À mes collègues, dont les pépins de santé m’ont permis de démarrer cette chronique. Je sais que ça n’a rien à voir avec vos finances. Enfin j’espère…
À surveiller
Le prochain numéro du magazine Les Affaires Plus, dont ce billet s’inspire. En kiosque le 6 février et disponible pour la première fois en version iPad.
Appel à tous
Il y a ceux qui se rendent malades avec l’argent, et il y ceux qui rendent les autres fous avec l’argent. Je pense entre autres aux couples. Je cherche des témoignages de personnes qui sont ou ont été exaspérées par l’avarice de leur partenaire. J’assure l’anonymat à qui en fait la demande. Merci de partager vos anecdotes par courriel (cliquez sur «courriel», sous la description du blogue, plus haut à droite).
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