Bonjour novembre! Il pleut, il fait froid, le soleil est couché à 16h30. Et six mois nous séparent du prochain BBQ dans le jardin. Mais voici de quoi nous redonner le goût de vivre : c'est le mois de la littératie financière.
Le concept a été emprunté aux anglophones: «financial literacy». Ça sonne mieux dans la langue d’origine, et la version française ne passe toujours pas au correcteur automatique de mon logiciel de traitement de texte, qu’il remplace systématiquement par «littérature financière». S’il savait…
L’expression a fait son chemin au milieu des années 2000 quand quelqu'un s'est aperçu qu'on était plus ou moins carencés en matière de connaissances financières. En effet, des enquêtes démontrent que les Canadiens, et encore plus les Québécois, ne maîtrisent pas certaines notions de base comme le calcul de l’intérêt ou l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat. À une époque où n’importe qui peut ouvrir un compte de courtage en ligne et investir dans des fonds négociés en bourse avec triple effet levier pour aussi peu que 6,99$ la transaction, c’est une bonne idée de vouloir éduquer les gens.
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Mais voilà, la littératie financière descend mal. C’est LE truc à la mode chez les organismes d’éducation financière, certains ordres professionnels et les institutions financières. L’Association de la consommation en matière financière, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Institut québécois de planification financière (IQPF), l’Ordre des comptables voient dans la littératie financière la panacée qui nous guérira de notre ignorance en finances personnelles. On se réunit autour de grandes tables de concertation sur la question. On met en place des sites d’éducation. On organise des concours. On plaide pour le retour des cours d’économie à l’école… Mais le grand public, particulièrement les jeunes, reste relativement insensible à tous ces efforts.
Alors on a appelé Julie Snyder en renfort. L’AMF a lancé une campagne publicitaire télé mettant en vedette notre Julie nationale à TVA. La publicité est intégrée à l’émission Le Banquier (à Radio-Canada, on a choisi France Beaudoin dans le décor d’En direct de l’Univers). La campagne veut inciter le public à poser des questions à leur conseiller financier et à visiter le site de l’AMF (c’est une véritable référence).
J’ai intégré une publicité de la série réalisée avec Julie Snyder à ce blogue. On y voit un participant à l'émission Le Banquier refuser une valise qui contient 137 000 dollars dans l’espoir d’en ouvrir une mieux garnie encore (est-ce vraiment une bonne décision financière? Malaise). Puis on voit soudainement Julie aller à la pause pour nous livrer le message de l’AMF. Cela marque toute une conversion pour la vedette, car on se souviendra qu’à une époque pas si lointaine, elle vantait les mérites de la carte de crédit MasterCard. Tchic-a-tchic !
Un doute m’assaille. Cette semaine, un sondage commandité par l’IQPF laissait entendre que la majorité des Québécois n’avait pas de conseiller financier - alors à qui poser des questions ? Mais surtout, je m’interroge sur l’efficacité du message, quand bien même serait-il livré par deux personnes archi populaires aux heures de grande écoute.
Car la littératie financière rencontre une forte opposion. Comme on dit en langage militaire, il y a surnombre. Et pas par une petite marge. Nous baignons dans une culture de consommation qui favorise l’appât du gain facile et la satisfaction immédiate de ses envies. Elle est partout, à la télé, dans les vitrines, à la maison, au cinéma, dans les jeux, sur le net… Chez Le Banquier.
Outre cet avantage numérique, l'adversaire sollicite des mécanismes beaucoup plus encrés dans notre ADN que la tempérence et la projection de la retraite.
Je ne dis pas que la guerre est perdue d’avance, mais nous sommes engagés dans une bataille de longue haleine. Est-ce que je peux me permettre cette proposition? Je commencerais par brandir un étendard plus sexy que la «littératie financière»… Des idées quelqu’un ?
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