L’approche retenue par le gouvernement provincial pour hausser les frais de garde m’a toujours semblé tarabiscotée. Tant qu’à dégarnir le portefeuille des jeunes parents, pourquoi ne pas s’arranger pour qu’ils s’arrachent aussi les cheveux?
La modulation en fonction du revenu familial va engendrer bien du brassage de papier à Québec. Et sans doute de bonnes occasions d’affaires pour les comptables. Et c’est pire que je pensais…
Ce projet comportait déjà plusieurs aspects nébuleux (on ne sait toujours pas comment seront réclamées les déductions fiscales à Ottawa, notamment). Un lecteur a porté à mon attention un autre élément qui pourrait ajouter une couche à la confusion ambiante: l’année fiscale sur laquelle sera basé le calcul des frais de garde.
Pour rappel, la nouvelle structure tarifaire entrera en vigueur le 1er avril prochain. Pour les parents qui devront défrayer des sommes supplémentaires au tarif de base (7,30$), ils paieront au printemps 2016, de manière rétroactive, au moment de faire leur déclaration de revenus 2015.
Mais voilà, les frais de garde ne seront pas ajustés en fonction du revenu de cette année-là, mais de ceux de l’année précédente, soit 2014.
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L'information est parue dans un article de mon collègue Stéphane Rolland, ce qui a laissé notre lecteur dubitatif (moi aussi). Ce dernier a appelé au ministère du Revenu où il n’a pas trouvé de réponse satisfaisante. Quant à moi, j’étais convaincu que le calcul serait basé sur le revenu de 2015. Et je ne suis pas seul.
Sarah Phaneuf, experte en fiscalité chez Raymond Chabot Grant Thornton, est catégorique. Les tarifs de garde déboursés pour l’année 2015 seront basés sur les revenus de 2014. «Le projet de loi est clair à ce sujet, les frais sont calculés sur le revenu familial de l’année précédente». L’information a été confirmée par Dany Provost, fiscaliste, actuaire et collaborateur chez nous (Les Affaires Plus, Finance et Investissement).
Quels sont les impacts?
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C’est le paiement rétroactif, l’année suivante, qui vient embrouiller l’affaire. On se croirait dans un mauvais remake de Back to the future. Et comme dans ce classique des années 1980, les aller-retour dans le temps pourraient déboucher sur des complications.
Par exemple, qu’arrive-t-il si un ménage a déclaré un important revenu en 2014, mais que l’un des membres du couple perd son emploi en 2015 ? Devra-t-il débourser le gros prix en 2016?
Ou imaginez la mère ou le père monoparental qui doit débourser des frais de garde basés sur deux revenus après avoir été saigné par des procédures de divorce en 2015?
Pourquoi c’est si compliqué ? Deux spécialistes à qui j’ai parlé évoquent des «contraintes techniques». L’un d’entre eux affirme que Québec travaille pour atténuer l’effet d’un éventuel changement de situation, comme dans les deux cas de figure évoqués précédemment.
Cela donne l’impression que le projet de loi est mal né. Les fonctionnaires du gouvernement sont encore à tricoter des articles pour gérer les exceptions qui risquent de surgir. Misère…
Il aurait été tellement plus simple d’augmenter le tarif de manière uniforme pour tout le monde et de moduler ensuite avec d’autres leviers fiscaux, comme les crédits d’impôt. Un peu comme le proposait d’ailleurs la Commission permanente de révision des programmes présidée par Lucienne Robillard. Mais politiquement, ça aurait été plus difficile à gérer.
Laissons les complications entre les mains des parents.
***
Maintenant, que faire? Cela oblige les contribuables dont les enfants fréquentent les services de garde à planifier longtemps à l’avance (ils sont habitués, remarquez, puisqu'il faut chercher une place en garderie avant de concevoir un bébé). Il reste moins de cinq semaines pour cotiser au REER pour l’année fiscale 2014 (l’échéance est le 2 mars). C’est le meilleur moyen pour diminuer votre revenu net, celui sur lequel est calculé le frais de garde. Le revenu net, rappelons-le, est constitué de la somme de vos revenus en cours d'année moins certaines déductions permises (contributions REER, cotisations syndicales, intérêts sur certains prêts). Il s’agit du montant inscrit à la ligne 275 de votre déclaration de revenus à Québec.
Soulignons également que la modulation des frais de grade est graduelle. Elle ne s’applique pas par paliers, comme la table d’impôt. Mais il y a une exception: le tarif passe de 7,30$ à 8,00$ lorsque le revenu familial dépasse 50 000 $, et ce jusqu’à 75 000 $.
Enfin, le meilleur outil pour évaluer vos options demeure le calculateur mis en ligne par Québec. À noter qu’il ne fonctionne pas sur les appareils mobiles.
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