Je le reconnais, le titre est racoleur. Je voulais détourner un instant votre attention de Bernard Mooney et d’Olivier Schmouker. J’oeuvre dans le giron de Les Affaires depuis bientôt 15 ans, dont près de 14 comme chef de publication du magazine Les Affaires Plus. Ce billet inaugure un nouveau blogue sur les finances personnelles, que je ne veux surtout pas coincé.
Cela dit, il y aura vraiment un peu de nudité ici. Les questions d’argent restent tabous. Alors quand on dévoile des détails de sa vie financière, c’est un peu comme faire un strip-tease.
Sans plus tarder je commence, j’enlève mes chaussettes: je n’ai pas d’enfants et ne compte pas en avoir. Je vis bien avec ce choix, bien qu’il crée à l’occasion des malaises. J’ai parfois même l’impression d’être jugé. Cela se passe généralement ainsi:
-«As-tu des enfants ?»
-«Non.»
-«Penses-tu en avoir un jour ?»
-«Ce n’est pas dans mes plans.»
-«Ah… Pourquoi?»
Pourquoi justifier le fait de renoncer à une descendance, comme s’il s’agissait d’un acte contre-nature ? Si je sens que la discussion peut s’enliser, je n’hésite pas à affirmer que je n’aime pas les marmots, qui réclament leur pitance au beau milieu de la nuit et qui, en guise de remerciements, régurgitent leur petit-déjeuner sur le veston de papa. En cas de nécessité, j’enchaine avec l’adolescence, l’intimidation, le taxage… j’en beurre épais. Ce sont des blagues, bien sûr, mais ça renverse à coup sûr l’équilibre des forces: le malaise penche du coup du côté de mon interlocuteur.
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Cela prend parfois d’autres proportions, comment dire,… institutionnalisées. Il y a deux semaines, Stephen Harper a formalisé mon statut de marginal lorsqu’il a annoncé des baisses d’impôt réservées aux familles. L’enrobage était aussi éloquent que les mesures elle-mêmes. À entendre le premier ministre lors de sa présentation dans un centre communautaire juif de la région de Toronto, j’avais l’impression que les non-parents appartenaient à une autre catégorie de citoyens, à la fois moins productifs sur le plan social, moins consistants sur le plan des valeurs et, surtout, moins accablés par le coût de la vie.
Rappelons les mesures annoncées: augmentation de la Prestation universelle pour la garde d’enfant de 100 à 160 $ par mois pour chaque enfant de moins de 6 ans; nouvelle prestation de 60 $ par mois pour les enfants de 6 à 17 ans; augmentation de 7000 à 8000 $ du maximum admissible annuellement pour les frais de garde. J’omets ici quelques détails. Mais de l’avis de fiscalistes que j’ai consultés, ces mesures auront dans la majorité des cas un impact relativement mineur sur le portefeuille des parents, notamment à cause de l’abolition dans la foulée du crédit d’impôt pour enfants.
L’élément central de la présentation du 30 octobre dernier est la possibilité accordée aux couples avec des enfants mineurs de fractionner leur revenu. Ainsi, le conjoint dont le revenu est le plus élevé peut attribuer jusqu’à 50 000 dollars à l’autre dont le revenu est plus faible. Il s’agit d’une opération comptable (il n’y pas de transfert d’argent) qui permet de réduire le taux d’imposition combiné du couple. Le gouvernement a plafonné à 2 000$ l’économie d’impôt générée par cette opération. Plus l’écart de revenu est important, plus le couple pourra profiter de cette mesure. Le cas ultime est celui de parents dont l’un a un salaire élevé tandis que l’autre reste à la maison.
J’ai du mal à comprendre l’approche. Qui veut-on cibler ? Cette mesure m’apparaît injuste. Non pas parce que j’en suis exclus. Non pas non plus parce qu’elle ne vise que les parents. Non, c’est plutôt parce qu’elle bénéficie à un modèle de la famille, plus traditionnelle.
Qui ne profite pas des mesures fédérales:
-Les parents à faible revenu, puisque ils sont déjà imposés au taux le plus faible;
-Les parents dont le revenu sont plus ou moins égaux;
-Les familles monoparentales.
À eux s’ajoutent les couples sans enfant et les célibataires.
Frais de garde: un ballon est lancé à Québec
Frais de garde: un ballon est lancé à Québec
Les parents n’avaient toujours pas commencé à évaluer les économies d’impôt auxquelles ils pouvaient espérer qu’un ballon menaçant s’est élevé au-dessus de notre capitale. La semaine dernière, Le Devoir révélait que le gouvernement de Philippe Couillard considérait sérieusement majorer les frais de garde dans les CPE et les moduler en fonction du revenu des parents. Et ce dès le premier avril.
Québec a affirmé qu’il ne s’agissait que de spéculations. Cela reste à voir. M. Couillard s’est déjà dit par le passé favorable à des frais modulés.
Si les informations dévoilées par Le Devoir devaient se concrétiser, le frais de base augmenterait à 8$ par jour par enfant (contre 7,30$ actuellement). Une contribution supplémentaire serait exigible en fonction du revenu, faisant presque tripler les frais de garde pour certains. On parle d’une hausse qui peut atteindre près de 3000 $ par année, par enfant (avant l’application du crédit d’impôt fédéral pour les frais de garde). Pour les moins touchés, les frais supplémentaires seraient de moins de 300 dollars par enfant. La hausse est salée.
Il y a fort à parier que le crédit provincial pour les frais de garde dont profitent les parents québécois qui ne recourent pas aux garderies subventionnées sera révisé pour tenir compte de ces hausses, si elles se réalisent. Québec a toujours fait en sorte qu’à la fin de l’année, les frais de garde soient sensiblement les mêmes pour tous les parents, qu’ils confient où non leurs enfants à une garderie subventionnée.
Bilan de deux semaines de politique: un nombre limité de familles québécoises profiteront pleinement des baisses d’impôt d’Ottawa. D’un autre côté, la hausse des frais de garde envisagée à Québec touchera assurément tous les parents d’enfants en bas âge. Et il faut prévoir que la plupart d’entre eux auront moins d’argent dans les poches à la fin de l’année.
De quoi je me plaignais déjà ?
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Je veux bien enlever un morceau de vêtement à l’occasion, mais ce serait plus agréable si on faisait ça à plusieurs. N’hésitez pas à partager avec moi vos histoires d’argent, vos démêlés avec les commerçants, vos prises de bec avec le fisc, votre relation avec le crédit ou encore vos exploits en finances personnelles.
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