Les investisseurs sont toujours à la recherche d'outils pour prendre de meilleures décisions et pour déceler de bons placements. Parmi ces outils, il y a tous ces ratios financiers qui servent à bien évaluer les entreprises, en particulier leur performance économique et leur valeur intrinsèque.
Au premier rang de ces ratios, il y a le ratio cours/bénéfices (RCB) qui donne une idée rapide de l'évaluation d'un titre. Le RCB comporte bien des nuances, mais il reste un outil important. Je ne peux en dire autant du ratio PEG (pour price earning to growth ou le ratio cours/bénéfice par rapport à la croissance), qui mesure la croissance des bénéfices par rapport au RCB.
Popularisé par Peter Lynch
Ce ratio date des années 1970, mais a été popularisé par Peter Lynch dans son premier livre One Up on Wall Street, publié en 1989. «Le RCB d'un titre bien évalué sera égal à son taux de croissance», a-t-il écrit. J'aimerais tant qu'investir soit aussi simple !
Revenons d'abord à ce qu'est ce ratio. Dans l'exemple cité de M. Lynch, ce titre aurait un PEG de 1. Autrement dit, le taux de croissance de ses bénéfices serait égal à son RCB. Par exemple, le titre 123 se vend à 22 fois ses bénéfices, alors que la société a une croissance de 22 % de ses bénéfices.
L'idée de base est qu'un titre qui a un PEG inférieur à 1 est peut-être ou probablement (selon vos sources) sous-évalué.
Par exemple, la société ABC qui a une croissance de 20 % et se vend à 10 fois les profits, pour un PEG de 0,5 (10\20), est sous-évaluée. À l'inverse, le titre ZZZ qui a une croissance de 10 % et se négocie à 20 fois les bénéfices pour un PEG de 2 (20\10) est surévalué.
C'est une interprétation simpliste et dangereuse du PEG à plusieurs égards. En effet, de quelle croissance parle-t-on exactement ? De celle de l'an dernier, de l'an prochain, des cinq prochaines années, des cinq dernières ?
Personne n'a vraiment de réponse ultime à ce sujet. À mon avis, utiliser le PEG en fonction de la croissance des bénéfices d'une année, ce que de nombreux investisseurs font, est tout à fait inutile, voire loufoque. N'importe quelle société peut avoir une année «heureuse» grâce à une très forte croissance qui ne se répétera jamais. L'acheter parce qu'il se vend avec un PEG inférieur à 1 est stupide.
Si vous voulez utiliser le PEG (et je vous découragerai de le faire), faites-le au moins en utilisant une estimation modérée de la croissance de la société pour au moins les cinq prochaines années.
La qualité des bénéfices, une donnée cruciale
Comme je l'ai mentionné, je ne crois pas que ce ratio soit utile, pour la simple et bonne raison qu'il ne vous renseigne en rien sur la société étudiée. Si vous me dites qu'un titre a un PEG de 3,0, je suis incapable de déterminer s'il est vraiment surévalué ou sous-évalué. Si son RCB est de 60 avec une croissance de 20 %, je vous dirais qu'il a bien des chances d'être surévalué. S'il a un RCB de 12 avec une croissance de 4 %, je pencherais pour affirmer qu'il est bien évalué. Enfin, si son RCB est de 3 avec une croissance de 1 %, oups ! il pourrait bien être sous-évalué.
Trois situations avec un PEG de 3,0 !
À l'opposé, la plupart des autres ratios, qui ont leurs faiblesses, vous fournissent une certaine information sur l'évaluation d'un titre. Un titre qui se négocie 20 fois les bénéfices, cela me dit quelque chose (j'ai bien dit quelque chose, mais pas tout). Il en va de même si vous parlez d'un titre à 4 fois la valeur comptable ou 10 fois ses bénéfices d'exploitation. Mais un PEG de 1,0 ou de 2,0, ça ne dit rien du tout.
Enfin, l'aspect le plus dangereux du PEG, c'est qu'il ne tient pas compte du tout de la qualité des bénéfices ni de leur croissance. C'est un aspect fondamental et très complexe du placement. Je me contenterai d'en souligner trois aspects.
D'abord, une croissance de 10 % des bénéfices d'une société cyclique, comme un producteur de cuivre, n'a pas la même valeur qu'une croissance identique de la part d'une entreprise comme Coca-Cola. Dans le premier cas, un ralentissement économique peut faire fondre les bénéfices rapidement.
Ensuite, il est faux de penser qu'un dollar de bénéfice signifie toujours un dollar d'enrichissement pour les actionnaires. C'est rarement le cas, en fait. Bien des entreprises doivent constamment réinvestir dans leurs activités l'argent gagné, en laissant peu aux actionnaires.
Enfin, il faut tenir compte de la façon de croître. La société qui prend de l'expansion de façon interne (soit en vendant plus de ses services ou produits) a une plus grande valeur que celle qui le fait par la voie d'acquisitions.
Or, le PEG ne tient nullement compte de tous ces aspects importants de la croissance.
En fait, la qualité de la croissance et des bénéfices est si importante qu'on peut en conclure qu'il est loin d'être certain qu'on doit nécessairement récompenser une croissance plus élevée par un RCB plus élevé.
Tout cela me pousse à conclure que le ratio PEG n'a pas sa place dans votre boîte à outils.
Bourse: Pourquoi j'évite les ressources naturelles
Les lecteurs qui me connaissent savent que j'évite le grand secteur des ressources naturelles. Il y a d'ailleurs un piège particulier dans le secteur des ressources qui le rend dangereux pour l'investisseur à long terme : le rendement du Dow Jones-AIG Commodity Index (indice composé de 19 matières premières importantes). Saviez-vous que le sommet de tous les temps de cet indice a été atteint en... 1950 ? Maintenant, essayez de faire de l'argent en investissant dans un secteur dont les prix baissent depuis plus de 60 ans. Je ne dis pas que c'est impossible, mais admettez que c'est comme de tenter de courir avec un puissant vent de face ou plus exactement en plein ouragan.