BLOGUE. En refusant l’offre de Lowe’s, la direction de Rona n’a plus le choix: elle doit livrer la marchandise.
Le géant américain de la déco-rénovation a offert 14,50$ pour chaque action de Rona, soit une prime de 22% par rapport à son cours en Bourse. Cela représente environ 6,5 fois les bénéfices d’exploitation des quatre derniers trimestres et un peu plus de 16 fois les bénéfices prévus cette année (calculs qui ne comprennent pas la dette à long terme de 400M$ au 25 mars).
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Ma première impression est que le prix offert est intéressant, sans être très alléchant. Toutefois, il ne faut pas oublier le contexte particulier à Rona et les risques qu’il comporte.
Le conseil d’administration a rejeté les avances américaines jugeant que la «Société doit demeurer centrée sur la mise en œuvre de son plan d’affaires afin de tirer profit des perspectives favorables qu’elle entrevoit pour son entreprise».
En février, la direction de Rona a divulgué son plan d’affaires intitulé Nouvelles réalités, nouvelles solutions, qui a été bien accueilli par les investisseurs. Ce plan cherche entre autres à améliorer l’efficacité et l’augmentation de sa rentabilité.
Piètre performance, en page 2
Il ne faut pas avoir peur des mots. La performance de Rona depuis quelques années est pathétique et sa direction l’a reconnu. Il y a moins de cinq ans, son titre était à 22$ (les actionnaires à long terme ne sauteraient pas de joie en recevant 14,50$ de Lowe's).
Depuis ce temps, les ventes comparables ont été décevantes. Selon Wayne Hood, analyste chez BMO, la direction a été incapable de générer des ventes comparables positives lors des cinq dernières années (elles ont été stables en 2010) alors que le rendement du capital investi a reculé systématiquement.
En fait, les ventes comparables ont baissé en moyenne de 4% pendant ce temps alors que le rendement du capital investi est passé de 12 à 13% en 2005-06, à environ 4% en 2011. Cela fait de Rona une société marginalement rentable.
Et la direction ne peut, comme aux États-Unis, pointer du doigt l’implosion de la bulle immobilière qui reste à venir au Canada (comme Lowe's qui en sort, après cinq ans de misère). Rona a donc sous-performé dans un contexte économique nettement plus favorable qu’aux États-Unis.
Les actionnaires ont la mémoire longue, en page 3
En refusant l’offre de Lowes, la direction de Rona envoie le message à ses actionnaires qu’elle mise sur son plan d’amélioration. C’est normal qu’elle y croie puisque c’est le sien. Et que la direction croie dans ses perspectives à long terme est tout aussi normal.
Par contre, elle est mieux de livrer la marchandise parce que ses actionnaires se souviendront longtemps de cette offre de Lowes.
D’ailleurs, il sera intéressant de voir comment réagira Lowe's devant le refus de Rona. Même si je suis surpris par cette offre, je ne serais pas surpris que la direction de Lowe's revienne avec une offre bonifiée. Il faut comprendre que l’achat de Rona n’est pas une grosse transaction pour la société américaine, son prix total représentant 6% de sa valeur boursière. Elle peut facilement revenir à la charge auprès des actionnaires de Rona avec une offre plus alléchante et tester leur foi.
Reste à savoir jusqu’à quel point Lowe's compte sur Rona pour faire du Canada une nouvelle plateforme de croissance.
Bernard Mooney