Warren Buffett, l'investisseur, est largement connu. C'est un euphémisme, car sa performance et son approche ont fait de lui une légende dans l'univers du placement.
Toutefois, ce qui est fort curieux à mon avis, c'est que Warren Buffett, en tant que dirigeant de Berkshire Hathaway (NY, BRK.B, 143 $ US), soit si peu connu et encore moins imité.
Connaissez-vous plusieurs dirigeants de sociétés qui ont un bulletin d'excellence pendant 50 ans? La durabilité est exceptionnelle, qu'il s'agisse de sociétés à capital ouvert ou fermé. Cela, sans parler de la performance de Berkshire sous la gouverne de Warren Buffett : la valeur de son titre a été multipliée par 14 000 depuis 1965.
M. Buffett est loin d'être un secret bien gardé. Il décrit en détail chaque année dans son rapport annuel la façon dont il voit le monde des affaires et de la finance. Il explique, critique et conseille abondamment, dans un style clair qui ne demande pas tant de connaissances financières.
De plus, chaque année, il reçoit ses actionnaires à Omaha dans le cadre de l'assemblée la plus suivie du monde. Plus de 40 000 actionnaires y ont assisté en ce début de mai. Pendant plusieurs heures, M. Buffett et son partenaire de toujours, Charles Munger, répondent aux questions d'actionnaires, d'analystes et de journalistes.
Toutes les fois que j'ai assisté à cette assemblée, j'ai été frappé par la qualité de l'enseignement qu'on y retrouve, non seulement pour les investisseurs qui veulent faire plus d'argent en Bourse, mais aussi pour tous les hommes et femmes d'affaires, quels que soient leur secteur d'activité et leur fonction.
Ils sont des millions, ces investisseurs qui étudient attentivement chaque geste et chaque décision de Warren Buffett pour l'imiter. Par contre, ils se comptent sur les doigts d'une main (disons deux !), ces dirigeants qui font de même.
Quelques leçons de gestion
Pourtant, si vous dirigez une entreprise, il y a tant à apprendre de Warren Buffett et de la façon dont il a bâti Berkshire Hathaway et qu'il la gère. Par exemple, une des clés de la structure de sa société est le fait qu'il se retrouve au sommet avec une seule et unique responsabilité : la répartition du capital.
Cela devrait vous enseigner, cher président, que cela est votre responsabilité majeure. Laissez vos vice-présidents s'occuper des activités quotidiennes et consacrez tout votre temps à la meilleure utilisation de votre capital.
C'est ce qui a fait la grande réussite de Berkshire, en partant d'une mauvaise décision de placement. M. Buffett a souvent mentionné que sa prise de contrôle de Berkshire avait été une erreur, la société se dirigeant tout droit vers le déclin. Ce n'est pas une blague.
Son génie a été de le reconnaître rapidement et de prendre l'argent généré par les activités traditionnelles de Berkshire dans le textile et de l'investir ailleurs, principalement dans l'assurance. Si cela vous semble évident aujourd'hui, combien de présidents ont le courage de ne plus réinvestir dans leur secteur traditionnel ?
Je n'en connais pas beaucoup.
L'autre grande leçon de gestion de MM. Buffett et Munger est cette détermination à éliminer la bureaucratie. En conservant un siège social réduit à sa plus simple expression, Berkshire Hathaway a réussi l'exploit de ne pas s'alourdir administrativement à mesure qu'elle prenait de l'expansion. Avoir une société ayant un actif de plus de 300 milliards de dollars américains dotée d'un siège social qui compte une vingtaine d'employés est un exploit extraordinaire.
Le corollaire de ce qui précède est aussi crucial : cultiver au maximum l'autonomie, autant chez vos gestionnaires qu'au sein de vos filiales. Chez Berkshire, c'est plus que de l'autonomie ; on pourrait appeler cela du laisser-aller tellement Warren Buffett laisse ses présidents libres et indépendants (ce que Charles Munger décrit comme étant de « l'autonomie extrême »).
Le vrai long terme
Berkshire n'a pas de service des ressources humaines, et les filiales ne subissent pas de processus budgétaire. La centaine d'entreprises (plus de 340 000 employés) qui font partie du conglomérat sont libres de gérer ces tâches à leur façon.
Enfin, Warren Buffett administre Berkshire Hathaway à long terme, vraiment. Tous les présidents de sociétés, que leur capital soit ouvert ou fermé, vous diront qu'ils gèrent à long terme. Sauf que, pour une grande partie d'entre eux, « long terme » signifie 5 ou 10 ans dans le meilleur des cas.
Pour M. Buffett, le long terme s'apparente davantage à l'éternité. Ce dernier a souvent comparé son entreprise à une oeuvre d'art qu'il dessine et conçoit pour l'éternité.
Et ce ne sont pas que des paroles. Même si la société est inscrite à la Bourse de New York, Berkshire ne fait jamais de prévisions financières, évite les fractionnements d'actions et n'accorde pas d'options aux dirigeants et aux administrateurs. Ces derniers achètent des actions, comme vous et moi.
Les présidents ne peuvent pas imiter Warren Buffett de A à Z, leurs situations étant différentes. M. Buffett contrôle Berkshire depuis 1965 avec son bloc de 45 % des actions, ce qui lui a permis de faire ce qu'il voulait. Ce n'est pas le cas de tous les pdg.
Mais il y a beaucoup à apprendre, j'en suis convaincu.