Je fais l'éloge depuis longtemps des fonds négociés en Bourse (FNB), tant dans mes chroniques qu'au cours de conférences. C'est normal, car à bien des égards, ce sont des produits financiers rationnels, pratiques et peu coûteux.
Pour les épargnants qui n'ont pas d'intérêt pour la Bourse ou qui n'ont pas le temps de choisir eux-mêmes leurs titres, mais qui veulent tout de même le rendement généreux qu'offrent les actions à long terme, les FNB sont le choix intelligent.
C'est vrai en théorie. Toutefois, dans la réalité, je vois de nombreux signes très inquiétants qui me mènent à croire que le marché des FNB est de plus en plus risqué.
Il y a 21 ans, on a lancé le FNB SPDR S&P 500, qui reproduit l'indice américain S&P 500. Or, depuis, l'univers des FNB est devenu un véritable monstre.
Seulement aux États-Unis, il y a plus de 1 600 FNB disponibles. Au Canada, 17 nouveaux FNB ont été lancés cet été et 21 autres le seront au cours des prochaines semaines.
Avec autant de FNB sur le marché, on parle de plus en plus d'un produit spécialisé. Au fil des ans, on s'est éloigné de l'idée de base, qui était de reproduire le plus fidèlement possible un indice financier.Comment choisir ?
En fait, Wall Street s'est emparé de cette idée et en a fait un instrument pour spéculer sur n'importe quel actif financier dans le monde.
Par exemple, le Global X Lithium ETF permet de spéculer sur les principaux producteurs de lithium de la planète. Le Market Vectors Gaming ETF, sur les casinos. Le NASDAQ CEA Smartphone Index Fund, sur le marché du téléphone intelligent.
Ces FNB n'ont pratiquement aucune performance historique, sont très petits en termes d'actif et peuvent avoir une durée de vie fort courte. Par exemple, un FNB pour investir dans l'industrie de la pêche a été lancé en mai 2011 et a été fermé en février 2012.
En fait, les promoteurs de ces FNB lancent de nombreux produits et conservent ceux qui attirent le plus d'actif.
Autre grande tendance : de plus en plus de ces FNB sont gérés activement, ce qui est contraire au concept de produit indiciel. Plusieurs des nouveaux FNB lancés récemment au Canada sont gérés activement.
Je trouve ironique que tant de financiers nous prêchent l'idée que la gestion active est désuète et qu'ils nous vendent simultanément des FNB à gestion active. Ils tenteront de se justifier en disant qu'ils «gèrent juste un peu».
Le secteur des FNB est si encombré que je me demande comment un investisseur s'y retrouve. Comment faites-vous pour choisir si je vous présente ces FNB :
«Developed Markets ex-North America Momentum Index»
«Developed Markets ex-North America Value Index»
«International Tactical Hedged Equity»
«Quant European Dividend Leaders»
«QuantShares U.S. Market Neutral Anti-Momentum Fund» ?
Vous pouvez étudier leurs prospectus attentivement, mais cela devient aussi complexe que de choisir un titre boursier ! Et l'attrait des FNB n'était-il pas notamment de faciliter la vie aux investisseurs ?Une idée trop populaire
Je crains que l'idée indicielle devienne trop populaire et que cela ne mène à des excès dangereux.
Cela m'a sauté aux yeux quand j'ai lu dans une publication financière que la gestion active était dépassée et que les acheteurs d'actions devront trouver autre chose à faire. C'est arrogant à souhait, et cela sème le germe d'un désastre.
Dans cet article, on laisse entendre qu'un raz-de-marée vers la gestion indicielle pourrait bien se produire. Je ne suis pas convaincu que cela arrivera pour les bonnes raisons. En effet, l'argent institutionnel est de plus en plus désillusionné à l'égard de la performance de plusieurs catégories d'actifs dits «alternatifs» tels que les fonds de couverture (hedge funds).
Les dirigeants des caisses de retraite, pour ne nommer qu'eux, ont migré vers ces produits parce qu'ils étaient très déçus de la performance de la Bourse. À partir de 2001, les actions ont connu plusieurs années difficiles.
Or, depuis 2009, ce n'est plus le cas. Par contre, plusieurs de ces institutions en profitent peu, parce qu'elles ont réduit sensiblement leur pondération en actions.De plus, comme la plupart des gestionnaires spécialisés dans les actions éprouvent de la difficulté à suivre la performance des indices depuis mars 2009, les caisses de retraite regardent passer un peu trop à leur goût la parade boursière haussière.
Ce qui provoquera probablement deux comportements prévisibles : à chaque mini-mouvement de correction, on augmentera la pondération en actions (c'est beaucoup plus facile à faire avaler après cinq années positives) et cet argent sera de plus en plus dirigé vers la gestion passive.
Autrement dit, plus les indices s'apprécieront, plus les investisseurs institutionnels seront acheteurs. Lorsqu'on achète le S&P 500 actuellement, à environ 17 fois le bénéfice, ce n'est pas grave ; les chances de faire de l'argent sont très bonnes. Toutefois, si on l'achète à plus de 25 fois le bénéfice, ce sera moins rationnel.
En effet, il ne faut pas oublier la grande faiblesse de la gestion passive : plus on achète un indice qui s'apprécie, plus on paie cher.
L'investisseur qui achetait le S&P 500 en 1999 se procurait, sans trop s'en rendre compte, du General Electric à 28 fois le bénéfice et du Pfizer à 50 fois ! Il n'y a rien de rationnel là-dedans.
Au fil des ans, on s'est éloigné de l'idée de base, qui était de reproduire le plus fidèlement possible un indice financier.