L’OPEP a écrit une page d’histoire la semaine dernière en refusant de réduire sa production devant la faiblesse des prix du pétrole. Et la réaction du marché a été instantanée, les investisseurs vendant tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à de l’or noir.
Avant de parler des retombées, il est bon de replacer le geste du cartel pétrolier dans son contexte historique. Depuis plusieurs décennies, l’OPEP a toujours cherché à maintenir le prix du pétrole élevé. Lors des périodes difficiles, l’organisation convenait de réduire sa production officielle pour contenir la tendance baissière des prix.
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Dans les faits, c’était souvent l’Arabie saoudite qui coupait dans sa production, les autres membres de l’OPEP faisant si souvent preuve d’indiscipline pour toutes sortes de raison.
Ce n’est plus le cas maintenant, car l’Arabie saoudite ne veut plus perdre de parts de marché, entre autres devant la menace grandissante des nouveaux producteurs américains. L’Arabie a donc refusé de souffrir pour les autres, préférant déclarer la guerre à ses rivaux, incluant la Russie.
Il semble de plus que l’Arabie saoudite se soit préparée pour le pire, accumulant plus de 700 milliards de dollars (G$) US en réserves étrangères, selon Barclays.
Le résultat à court terme est prévisible: le prix du pétrole n’a pas fini de baisser et bien fin (ou chanceux) celui qui pourrait prédire jusqu’où ira son prix.
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À plus long terme, c’est difficile à prédire, car cela dépend en bonne partie de la croissance économique dans les prochaines années. Si celle-ci reprend et avec elle, la demande pétrolière, les prix pourraient se raffermir. On verra. Il ne faut toutefois pas sous-estimer l’ampleur de ce qui est arrivé la semaine dernière.
Beau cadeau de Noël, mais...
Il est évident que la chute des prix pétroliers est un beau cadeau de Noel pour la plus grande partie des gens. En particulier, elle donnera une petite marge de manœuvre aux plus démunis. C’est un peu une redistribution de la richesse fort bienvenue, enlevant des dollars aux milliardaires du pétrole comme les princes d’Arabie pour les donner aux gens de la classe moyenne.
Au Canada, les retombées sont partagées. Les ménages canadiens, très endettés, en profiteront, c’est certain. Par contre, même si personne ne pleurera (surtout pas au Québec) sur le sort des producteurs pétroliers de l’Ouest, reste que cela affectera la croissance du pays. La baisse des prix est toutefois amortie par la dépréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine.
Ce dernier facteur stimulera les manufacturiers québécois et ontariens, surtout dans le contexte économique favorable aux États-Unis.
Une dégringolade encore plus sévère et rapide des prix, une possibilité à ne pas négliger, pourrait provoquer la fermeture de plusieurs projets pétroliers au Canada, provoquant des pertes d’emplois massives. Un tel scénario pousserait le pays en récession.
En effet, il ne faut pas oublier que les effets positifs de la baisse des prix pétroliers sont diffus et agissent progressivement à long terme. Des fermetures avec les pertes d’emplois qu’elles impliquent, agissent immédiatement sur la croissance et la confiance des consommateurs.
C’est le nuage noir qui se cache peut-être derrière le cadeau livré par l’OPEP.
Bernard Mooney