BLOGUE. J’ai rarement entendu autant de réactions à la suite de l’annonce de la hausse rétroactive des impôts pour les «riches» au Québec. Et de nombreux lecteurs me demandent ce que j’en pense. J’estime que la meilleure réponse est tout simplement de jeter un coup d’oeil à ce qui se passe en Argentine...
Pourquoi? Parce que la présidente de ce pays, Cristina Kirchner, s’est fait réélire il y a plus d’un an sur la base de politiques très populistes, comme notre nouvelle première ministre.
Et elle livre la marchandise, si on peut dire.
La présidente a commencé par envoyer promener les organismes internationaux comme le FMI, la Banque mondiale et les investisseurs étrangers. «Nous n’avons pas besoin d’eux; nous nous financerons nous-mêmes», a-t-elle déclaré. Il est bon de rappeler que l’Argentine a fait défaut en 2002 sur sa dette internationale et plusieurs milliards de dollars de cette dette n’a pas encore été remboursée.
Pour se financer, Madame Kirchner a saisi les fonds de retraite privés (aimeriez-vous ça que le gouvernement saisisse votre REER?) et a utilisé l’argent pour lancer son programme d’aide aux démunis totalisant six milliards de dollars (G$) US. Plus de 4G$US est consacré à des prêts hypothécaires pour les nouveaux acheteurs de maisons, à un taux équivalent au dixième du taux d’inflation. Ces prêts sont accordés par le biais d’une loterie, sans tenir compte de la capacité de rembourser des emprunteurs.
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Le gouvenement a aussi nationalisé une ligne aérienne et saisi une société pétrolière. Plus précisément, il s’est accaparé de l’intérêt de 10,5G$US de Grupo Repsol dans la pétrolière argentine YPF, sans aucune compensation. C’est la conséquence de la rhétorique voulant que les ressources appartiennent au peuple!
Le résultat concret de ces interventions, c’est que le gouvernement stimule artificiellement son économie en utilisant l’épargne de ses citoyens. Mais avec une inflation qui explose, cela signifie que concrètement, elle appauvrit systématiquement sa population.
Les Argentins, qui ont déjà vécu des situations similaires dans leur passé pas trop lointain, sortent rapidement leur capital du pays. Depuis octobre, 40% des dépôts en dollars ont été retirés du pays. Le gouvernement a réagi en imposant un contrôle strict sur le mouvement des capitaux.
Les citoyens ne peuvent pas acheter de devises étrangères, sans avoir à remplir des formulaires dans lesquels ils doivent expliquer l’utilisation de ces devises (voyages, etc.). Leurs cartes de débit ne fonctionnent pas à l’extérieur du pays. Et les importations sont à toutes fins utiles impossibles.
Ce qui n’empêchent pas les citoyens de prendre tous les moyens pour s’enfuir. Par exemple, ils prennent de nombreux moyens détournés pour acheter des actifs immobiliers dans des pays voisins comme l’Uruguay.
Tout cela a encouragé l’émergence d’un marché noir pour les devises, en particulier le dollar américain. Le taux de change officiel est de 4,4 pesos pour un dollar. Mais dans la rue, les Argentins sont heureux d’obtenir des dollars payant jusqu’à 6,7 pesos.
En fait, toute l’économie au noir prospère comme jamais alors que les entreprises doivent faire face à des taxes et tarifs de toutes les sortes.
De telles politiques fournissent de l’essence sur le feu de l’inflation. Selon les données gouvernementales officielles, le taux d’inflation annuel est de 9,9%. Mais selon de nombreuses sources, il se situe plutôt entre 20 et 25% et est toujours en hausse.
La réaction du gouvernement: il est maintenant illégal de publier un taux d’inflation autre que le taux officiel (bel exemple de dénie!).
Si l’économie, initialement, a réagi positivement à la stimulation, la situation récente est moins glorieuse. De l’aveu même de l’organisme officiel responsable des données économiques en Argentine, la croissance économique récente est proche de zéro. Et le peuple, celui-là même qui devait profiter des politiques «généreuses» de Cristina Kirchner, commence à protester de plus en plus dans les rues.
Ce qui fait que la popularité de la présidente est en chute libre.
Selon de nombreuses sources externes, celle-ci vit sur du temps emprunté.
«Au début, le gouvernement a attaqué les grosses multinationales, ensuite les «riches-gras-durs» détenteurs obligataires, ensuite les puissantes institutions comme le FMI. Maintenant, il se bat pour mettre la main sur les ressources financières à l’intérieur de l’Argentine. C’est pourquoi je crois que la fin est proche», lance
Arturo Porzecanski, expert sur les marchés émergents à l’American University à Washington.
Ce qui se passe en Argentine devrait nous mettre en garde, ici au Québec, contre les politiques qui se disent populistes.
Bernard Mooney