BLOGUE. «Cette époque de rendements faciles est terminée.»
Ouf...lorsque j’ai lu ce passage, j’étais confortablement assis sur mon patio, avec mon chien qui ronflait près de moi. Comme par réflexe, je n’ai pu m’empêcher de lancer la publication que je lisais au bout de mes bras, provoquant une réaction désapprobatrice de mon compagnon.
La personne citée parlait des rendements élevés des décennies 1980 et 1990.
Or, j’ai entendu ou lu ce genre de commentaires des dizaines, voire des centaines de fois lors des dernières années, au point de développer ce genre de réactions allergiques.
Ce n’est pas que le constat est faux. Lorsque vous regardez les statistiques, vous réalisez effectivement que les rendements des principaux indices boursiers, autant au Canada qu’aux États-Unis, ont été très généreux (au-delà des normes historiques). Et que depuis, soit la décennie 2000, les rendements sont anémiques, voire nuls.
Les chiffres sont là.
Ce qui me choque et m’énerve, c’est la notion, l’idée sous-entendue qu’il était si facile de faire de l’argent en Bourse à cette époque....qu’on pouvait comme pelleter les billets de 100$ et les mettre dans le coffre-arrière de son auto.
Comme le passé peut sembler beau et reposant.
Je vais vous confier quelque chose : de la bouche de quelqu’un qui a vécu la plus grande partie de ces deux décennies en Bourse, ce n’était pas si facile.
J’ai commencé a investir en 1983 et j’ai fait de l’argent jusqu’en 1986, jusqu’au krach de 1987, où les gains passés ont fondu en quelques heures. Douloureux, que vous dites...Ouais.
Ce n’est rien. La Bourse au Canada, où j’étais principalement actif, a mis trois ans avant de vraiment atteindre un creux. Et ce fut tout un creux, au plus fort de la crise financière de 1990.
À ce moment, experts et médias proclamaient l’écroulement du système financier international (voilà qui devrait vous rappeler des choses). Il fallait des couilles pour investir en 1990 et j’en avais plus que j’avais du capital.
Le marché a repris son ascension progressivement dans les années suivantes. Mais celle-ci a été loin d’être linéaire. Les secousses ont été nombreuses. Jusqu’en 1993, les titres à petite capitalisation ont dominé avant de s’écrouler en 1994 (comme le secteur techno), pour ne plus jamais vraiment reprendre leur leadership.
Et en 1998, il y a eu la crise asiatique qui a secoué le monde financier et les indices boursiers avec. Si cette baisse paraît peu sur un graphique à très long terme, laissez-moi vous dire que bien des experts prévoyaient la fin du monde.
Deux ans plus tard, on a eu le sommet ultime de la bulle techno....
Entre ces crises et corrections sévères, il y a eu de nombreuses journées de fortes baisses, alors que par exemple l’indice Nasdaq pouvait perdre 4-5% en quelques heures avant de rebondir.
Rien de bien reposant, ni de vraiment facile, croyez-moi.
Il fallait, au moins, une discipline de fer et des nerfs solides pour rester investi toutes ces années et cueillir les rendements que vous voyez maintenant imprimés dans les manuels d’histoire.
Méfiez-vous des représentations simplistes, voire mélancoliques, du passé.
Bernard Mooney