Le Canada présente-t-il un problème ? Pas vraiment... il est seulement redevenu lui-même !
C'est ce que je me suis dit en lisant, la récente manchette du quotidien financier The Wall Street Journal qui demandait à ses lecteurs «Qu'est-ce qui se passe au Canada ?»
Le célèbre média profitait des problèmes de Bombardier et de BlackBerry pour se demander comment notre pays allait vivre le dégonflement pétrolier. Les réussites passées de Bombardier dans le secteur aéronautique et de BlackBerry en technologie assuraient une plus grande diversité de l'économie canadienne.
Pourtant, leurs difficultés récentes témoignent des ratés de notre secteur manufacturier, au moment où le secteur des ressources vit une vague baissière.
Six jours plus tard, la Banque du Canada a surpris les investisseurs en abaissant de 0,25 % à 0,75 % son taux directeur, ce qui pourrait être interprété comme la preuve (ou la reconnaissance) de nos problèmes.
Rien de nouveau
J'en conclus qu'il est opportun de faire le point froidement sur nos perspectives économiques. Et malgré les différentes tuiles qui nous tombent sur la tête, je ne crois pas que le Canada présente un problème vraiment nouveau, à la possible exception du secteur immobilier.
Nous subissons simplement le reflet de notre tissu économique. En effet, une grande partie de la prospérité canadienne depuis une quinzaine d'années s'expliquait par deux grands vecteurs : les ressources et l'immobilier. À lui seul, le secteur de l'énergie représente environ 11 % de notre produit intérieur brut. Si vous ajoutez à cela le secteur minier dans toutes ses ramifications, vous avez une bonne idée de l'importance des ressources naturelles au Canada.
Il n'y a là rien de nouveau, au contraire.
La différence dans le plus récent cycle, c'est que la prospérité dans les ressources a dépassé toutes les attentes, attirant des capitaux de façon unique, qui n'a pas de précédent. Ce qui a eu au moins deux retombées directes. D'abord, l'argent a servi à multiplier les projets de développement, ce qui a magnifié l'offre pour de nombreuses matières premières, à commencer par le pétrole. On était tellement convaincu que la demande ne pouvait que continuer d'exploser, en raison de l'industrialisation frénétique de la Chine, pour ne nommer que ce grand thème.
L'autre conséquence : l'entrée de capitaux a fait grimper la valeur du dollar canadien par rapport à la devise américaine, bien au-delà de la parité.
En théorie, on pourrait avancer qu'un pays comme le Canada, fortement tributaire des ressources, devrait profiter des années de vaches grasses pour diversifier son économie afin de pallier la douleur associée aux années de vaches maigres. Je l'ai moi-même écrit plusieurs fois, bien naïvement je l'admets.
En effet, les années ont été si grasses que le consensus était convaincu que «cette fois, c'est différent». Si vous riez aujourd'hui, je vous comprends, mais je vous rappelle qu'il y a à peine six ou sept ans, experts, stratèges, supposés sages et le reste nous rappelaient quotidiennement une évidence, à savoir que nous étions dans un «super cycle» dans les ressources naturelles, ce qui devait assurer le Canada d'une grande prospérité pour de nombreuses années.
Pour en profiter, il fallait y investir massivement, et pour nos dirigeants gouvernementaux, c'était trop tentant pour y résister.
Ne faire qu'exprimer de petits doutes quant à ce mégacycle, c'était faire preuve d'ignorance ou d'étroitesse d'esprit, ou un mélange des deux (je le sais, car on me l'a reproché plusieurs fois).
Autre facteur : pendant le party des ressources naturelles, le secteur manufacturier canadien souffrait de l'appréciation du dollar. Ce qui s'ajoutait aux problèmes fondamentaux et historiques de ce secteur au Canada, soit la faible productivité, le manque d'innovation, la tendance à se fier au protectionnisme pour affronter la concurrence mondiale et le manque de souplesse du marché du travail.
Des conséquences dans le secteur immobilier
Tout cela pour vous dire qu'il n'y a pas vraiment de problème particulier concernant le Canada. Le Canada est le Canada, à un petit détail près. En effet, le secteur immobilier est le seul à ne pas avoir retrouvé ce qu'on pourrait appeler la normale.
Maintenant que la bulle des ressources est crevée, la croissance de notre économie ralentira à court terme, c'est certain. À plus long terme, la dégringolade de notre devise aidera nos exportateurs, mais il faudra du temps avant que l'économie ne le ressente.
L'inconnu, ce sont les conséquences du ralentissement sur l'immobilier. Une chose est sûre : il serait surprenant que ce secteur soit épargné. En effet, les prix immobiliers les plus élevés se trouvent dans l'ouest du pays. Or, cette région sera la plus frappée de toutes par les malheurs des ressources, en particulier ceux du pétrole.
Je ne serais pas surpris qu'on assiste à partir de cette année au dégonflement des prix de l'immobilier résidentiel déclenché par l'implosion pétrolière.
Là encore, il n'y a pas lieu de prévoir des scénarios d'apocalypse. Notre économie ne sombrera pas dans la dépression, ni même la récession. Le rythme de croissance diminuera, ça, c'est certain. Et la perte de régime sera inégalement distribuée, les provinces comme le Québec et l'Ontario étant moins touchées que les autres.
Mais cela sera suffisant, probablement, pour provoquer une saine baisse des prix immobiliers dans l'ensemble du Canada, une baisse progressive et prolongée.
Bourse: Les Dogs canadiens
Si vous voulez une démonstration pratique de la grande différence entre les Bourses canadienne et américaine, il suffit de comparer les titres appartenant à la stratégie appelée les «Dogs of the Dow» et l'équivalent canadien. Aux États-Unis, les 10 titres sont AT&T, Verizon, McDonald's, Coca-Cola, Chevron, ExxonMobil, Pfizer, Merck, General Electric et Caterpillar. Au Canada, les 10 titres retenus sont Canadian Oil Sands, Crescent Point Energy, TransAlta, Teck Resources, ARC Resources, BCE, Cenovus Energy, Husky Energy, CIBC et Pembina Pipeline. Ils offrent un rendement en dividende allant de 4,1 % à 13,4 %. Cette stratégie en dit long à mon avis sur la profondeur du marché canadien.