En Europe, on l'appelle «cafard». Ici, elle est synonyme de malpropreté et provoque quasi universellement le dégoût. Malgré son apparence repoussante, la coquerelle (ou blatte) nous réserve des leçons captivantes, en tant qu'êtres humains et aussi comme investisseurs.
Avant de vous expliquer pourquoi cet insecte peut devenir un modèle pour les investisseurs, je dois vous faire une confession. Cela fait déjà quelques années que je veux écrire sur la coquerelle. J'ai pris des notes à ce sujet il y a très longtemps, mais je considérais que mon intérêt pour cet insecte n'était pas vraiment pertinent pour vous.
Or, l'automne dernier, j'ai lu l'autobiographie de Georges St-Pierre, The Way of the Fight (Le sens du combat, en français). Et quelle surprise de constater que le maître québécois du domaine des arts martiaux mixtes et ancien champion de l'UFC parle dans son livre de sa fascination pour la coquerelle.
Oups, me suis-je dit, je ne suis pas le seul à avoir observé les caractéristiques remarquables de cet insecte.
«Les coquerelles sont des machines dédiées à la survie», écrit George St-Pierre. L'auteur fait le parallèle avec les dinosaures qui, malgré leur taille imposante et leur domination physique, n'ont pas été capables de survivre. Comment ces créatures incroyablement puissantes ont-elles pu disparaître ? se demande-t-il avec raison.
Sujet fascinant
Cela m'a confirmé qu'il y avait là un sujet fascinant pour mes lecteurs.
La coquerelle est le plus vieil insecte sur la planète. On a retrouvé dans des fossiles des traces de l'insecte qui remontent à plus de 325 millions d'années.
Je ne vous demande certes pas d'aimer cet insecte, mais admettez avec moi qu'une telle longévité est remarquable. Surtout quand on sait que la coquerelle a survécu à des conditions difficiles, changeantes, et qu'elle compte parmi ses ennemis la féroce race humaine.
Si l'on prend en considération les progrès extraordinaires en matière d'amélioration de la salubrité et des conditions d'hygiène partout sur la planète depuis quelques centaines d'années, on ne peut que s'interroger sur les secrets derrière la survie de cette espèce.
Parmi ceux qui l'expliquent, il y a le fait que la coquerelle peut manger presque n'importe quoi et qu'elle peut vivre 45 jours sans manger. De plus, elle possède un système reproducteur efficace : la femelle emmagasine du sperme toute une vie durant.
La nature a si bien conçu la coquerelle qu'elle est pratiquement restée le même organisme qu'il y a des milliers d'années. Selon des scientifiques, elle peut résister aux niveaux très élevés de radiation d'une explosion nucléaire.
Évidemment, les coquerelles ne comportent pas que des aspects positifs. Elles sont malpropres, produisent des odeurs désagréables et peuvent propager des bactéries nuisibles telles que la salmonelle. En outre, elles peuvent être une cause importante d'asthme et d'allergies.
Comme Georges St-Pierre, je crois que les investisseurs devraient s'en inspirer, surtout en raison de ses dons de survie remarquables. La coquerelle est bâtie pour survivre et non pour dominer, comme c'était le cas des dinosaures.
Portefeuille axé sur la survie
En tant qu'investisseur, vous devriez bâtir votre portefeuille également pour survivre et prospérer à long terme. Le fait de dominer ou d'avoir de bons résultats lors d'une semaine particulière ne devrait pas vous préoccuper.
Vous ne devriez pas choisir vos titres en ayant en tête les périodes de prospérité. Au contraire, vous devriez penser à la façon dont vos sociétés en portefeuille peuvent se débrouiller en période de récession ou lorsque le contexte économique est difficile. Idéalement, vos entreprises doivent être si solides et de si grande qualité qu'elles pourront profiter du malheur des autres durant les récessions et les crises.
La coquerelle s'adapte à tous les environnements, à toutes les situations. Elle cherche, sans cesse, à cerner et à éviter les menaces. Vous devriez également avoir cette attitude à l'égard des risques de votre portefeuille et de chacun de vos titres en particulier.
La coquerelle ne gaspille rien, chacune de ses parties jouant un rôle dans sa survie. Et elle ne se laisse jamais déranger, déconcentrer de cette mission première.
L'investisseur a lui aussi avantage à être obsédé par la survie de son portefeuille et par son appréciation à long terme. Pour y arriver, il doit limiter, voire éliminer, les distractions et ne rien gaspiller. Ce qui signifie concrètement de limiter les frais à leur plus simple expression et d'utiliser chaque minute de son temps au maximum, pour approfondir ses connaissances.
Enfin, souvenez-vous, comme le disait Charles Darwin, que ce n'est pas l'espèce la plus forte qui survit, ni la plus grosse, ni la plus intelligente, mais celle qui s'adapte le mieux au changement. C'est vrai aussi dans le monde des affaires.
Dans ce sens, je vous souhaite de réussir comme la coquerelle !
De mon blogue
lesaffaires.com/ bernard-mooney
Bourse
Le passionnant Charlie Munger
Si vous voulez un modèle dans votre vie d'investisseur, je vous recommande de suivre l'exemple de Charles T. Munger, le partenaire de Warren Buffett. C'est un choix exigeant, qui n'est pas pour tout le monde. Toutefois, si vous le faites, ce n'est pas seulement votre situation financière qui s'améliorera à long terme, mais toute votre vie. Mes lecteurs savent que je voue une grande admiration à M. Buffett. Mais ils sont moins nombreux à savoir que son partenaire Charlie est tout aussi admirable. La grande différence entre les deux, c'est que M. Munger, depuis plusieurs années, a mis la pédale douce sur le placement pour approfondir d'autres domaines.