BLOGUE. La semaine dernière, j’ai reçu dans le courrier le rapport annuel d’une famille de fonds communs, gracieuseté d’un lecteur de longue date. Avec un mot me demandant simplement : «Qu’en pensez-vous?».
Je me suis servi un verre de vin en me disant que la lecture de ce rapport pourrait être intéressante. Je me suis même dit qu’étant donné le fait qu’il y a longtemps que je n’ai pas lu de rapport d’un fonds, je découvrirais peut-être des changements positifs dans cette industrie que j’ai souvent critiquée par le passé.
Ouf.
Le rapport contenait la description de cinq fonds d’actions, un spécialisé dans les actions canadiennes, un autre dans les grandes sociétés américaines, un dans les petites sociétés américaines, un consacré aux actions internationales (Europe, Asie, etc.) et un dans les actions de marchés émergents.
Le fonds d’actions canadiennes avait un actif total de deux milliards de dollars (G$) au 31 décembre 2011 (2,2 G$ récemment). Le portefeuille, qui occupe pratiquement trois pages pleines, contient près de 300 titres (après 200, j’ai arrêté de compter).
Uniquement dans le secteur des biens de consommation discrétionnaire, on compte 21 titres ; pourtant, les gestionnaires n’ont investi que 4,8% de leur portefeuille dans ce secteur. Le fonds a même des actions du Groupe BMTC, titre dans lequel il a doublé son argent. Avant de crier victoire, je dois vous dire que le fonds a 1,1M$ d’investi dans ce titre (même après avoir doublé), soit une toute petite fraction de 1%.
Ce fonds avait 25% de son actif dans le secteur de l’énergie, 20% dans les services financiers et plus de 19% dans les matériaux. C’est une réplique de l’indice S&P/TSX, quoi.
Ouf, je ne suis pas impressionné, mais gardons l’esprit ouvert. Peut-être que les autres fonds sont plus solides.
Je commence à feuilleter le portefeuille du fonds d’actions de grandes sociétés américaines et une sensation de déjà vue m’envahit. En effet, ce portefeuille dont l’actif atteint 1G$ comporte plusieurs pages, près de 400 titres en tout. Et sa composition ressemble étrangement à celle du S&P 500. Le fonds a par exemple 21,5% de son portefeuille investi dans le secteur des technologies de l’information et ce secteur représente près de 20% de l’indice. Il a 12,4% dans les soins de la santé et ce secteur représente 12,0% du S&P 500. Etc !
Imaginez-vous donc que le gestionnaire a investi 1,3 million de dollars dans Berkshire Hathaway, soit un gros un dixième d’un pourcent de son actif !
Également, je considère un peu curieux que 4% du capital soit investi dans la catégorie «Actions étrangères» qui comprend 20 titres dont plusieurs de sociétés canadiennes.
Je continue à feuilleter (vous avez compris que j’ai déjà perdu intérêt) et je me retrouve dans le portefeuille du fonds d’actions de petites sociétés américaines. Il s’agit d’un fonds avec un actif de 130M$ au 31 décembre. Si j’ai été estomaqué par le nombre élevé de titres des deux fonds précédents, les mots me manquent….Car ce fonds a au moins 700 titres (près de 800 selon mon estimation rapide).
Cela représente en moyenne environ 170 000$ par titre. En fait, j’ai vu de nombreuses participations inférieures à 20 000$ et plusieurs inférieures à 10 000$.
L’histoire se répète dans les autres fonds, celui investissant dans les actions internationales ayant entre 800 et 900 titres pour un actif de près de 579M$ et celui dans les actions de marchés émergents environ 700 (138M$).
Tous ces fonds souffrent à mon avis d’une diversification extrême, irrationnelle rendant impossible une performance supérieure à long terme.
Et vous savez le pire : la plupart des épargnants se font vendre des portefeuilles répartissant leur capital à travers tous ces fonds. Comme mon lecteur qui m’a envoyé une copie de ce rapport annuel qui m’a précisé que, sous prétexte de bien diversifier, on lui avait recommandé de mettre de l’argent dans ces cinq fonds.
Hum…diversifié ? En effet, son capital est investi dans au moins 2 900 titres (probablement 3 000, mais peu importe). Ce n’est plus de la diversification, c’est de la diarrhée financière !
Bernard Mooney
P.S. Selon la catégorie d’unités, les détenteurs de ces fonds paient des honoraires annuels se situant entre 0,85% 2,5% de l’actif. BM