La plupart de mes lecteurs savent que j'ai écrit deux livres sur la Bourse. Peu savent que le manuscrit du premier, Investir à la Bourse et s'enrichir, publié en 2001, s'est presque retrouvé à la poubelle.
Après sa rédaction, en 2000, je n'étais pas satisfait de son contenu. Je l'ai donc fait lire par mon grand ami, François Rochon, président et gestionnaire de Giverny Capital, située à Montréal.
François m'a dit que mon livre était très bon, mais que son principal défaut était son ton qui laissait croire au lecteur qu'il était facile de réussir à la Bourse.
C'était l'étincelle qui me manquait, car non seulement il avait raison, mais je voulais transmettre le message exactement contraire. J'ai donc complètement réécrit mon texte en quelques jours.
Plus d'une décennie plus tard, je vous dirais que j'ai constaté que réussir à la Bourse n'est pas difficile : c'est très difficile !
Je l'ai constaté encore plus récemment à la lecture d'un excellent article écrit par Barry Ritholtz. M. Ritholtz est bien connu pour son blogue «The Big Picture». Dans son texte, il explique que, même si vous étiez le plus grand analyste financier du monde, capable de cibler les meilleurs titres avant leur explosion en Bourse, il est fort probable que vous ne feriez pas tant d'argent que cela.
Des exemples percutants
Ses cinq exemples sont percutants. Google, Tesla, Chipotle, Netflix et Apple ont un point commun : ils ont tous réalisé des gains extraordinaires depuis leur entrée en Bourse, soit d'au moins 1 000 %.
Pour vous donner une idée, Google est le «traînard» du groupe avec une appréciation de «seulement» 1 282 % depuis son premier appel public à l'épargne (PAPE), en août 2004. Tesla, le constructeur d'automobiles électriques, a procuré un gain de 1 352 % en moins de quatre ans, ce qui est exceptionnel. Chipotle a fait encore mieux, avec une hausse de 2 865 % depuis 2006, surpassée toutefois par Netflix, qui a explosé de 5 826 % depuis 2002. Enfin, il y a Apple, avec une appréciation presque divine de 22 288 % depuis son inscription en Bourse, en 1980.
«Même si vous aviez acheté beaucoup d'actions de ces titres lors de leur PAPE, les probabilités sont que vous n'auriez pas réalisé ces gains astronomiques», écrit M. Ritholtz. Et je suis bien d'accord avec lui.
Pourquoi ? Parce que l'appréciation de ces titres, qui semble si «facile» aujourd'hui, était loin d'être linéaire. Bien au contraire. Prenons l'exemple de Netflix. Rappelez-vous que l'investisseur qui a acheté des actions de cette société Internet a multiplié son avoir par presque 60 fois. Vous salivez, n'est-ce pas ?
Pas si vite. Vous oubliez que, pendant sa route vers le ciel, Netflix a perdu 25 % de sa valeur en une seule journée, pas seulement une fois, mais quatre fois. Pendant une période de quatre mois en 2011, le titre a fondu de 80 % ! Lors de sa pire séance boursière, il a dégringolé de... 41 %.
C'est ce qui pousse Barry Ritholtz à dire que la plupart des investisseurs auraient vendu leurs titres, poussés par la peur de tout perdre. Si je me fie à mon expérience, je ne peux qu'être d'accord.
La plupart des investisseurs n'ont pas l'estomac pour encaisser les fluctuations quotidiennes. Je parle ici de la volatilité normale en Bourse qui fait baisser les titres de quelques degrés de pourcentage en quelques séances, ou lors d'une seule journée. Alors, imaginez lorsqu'un titre fond de 20 % ou 30 % !
Tous ces grands gagnants ont vécu de telles périodes noires.
Imaginez-vous maintenant d'avoir des centaines de milliers de dollars dans un de ces titres (ce qui est plausible, si vous avez investi un bon montant qui s'est apprécié considérablement) et de le voir crouler de 25 %. Oups... les cauchemars apparaissent, les émotions négatives prennent le dessus et la tentation de vendre devient irrésistible.
L'effet destructeur des émotions
Avoir le pouvoir surhumain de sélectionner les meilleurs titres avant tout le monde ne suffit donc pas pour réussir. M. Ritholz postule que notre cerveau n'a pas été fait pour prendre de bonnes décisions dans les marchés financiers. L'évolution l'a conçu d'abord et surtout pour survivre dans des environnements difficiles, chassant les prédateurs, cherchant des aliments, etc. Ce qui est peu utile pour l'investisseur.
De nombreux experts, en particulier ceux qui ont étudié le domaine de l'économie comportementale, utilisent ce genre d'explications. Et c'est fondé. Toutefois, je ne suis pas convaincu que cela soit nécessaire. Il suffit de prendre en considération l'importance des émotions chez l'être humain pour expliquer ses comportements irrationnels. C'est vrai avec un «V» majuscule à la Bourse et aussi dans la plupart des domaines de sa vie.
Pour réussir à la Bourse, les émotions et leur possible effet doivent donc faire partie de la préoccupation quotidienne des investisseurs.
Votre approche et votre système doivent ainsi être conçus spécifiquement pour limiter les dommages de votre partie émotive.
Ce n'est pas facile, j'en conviens. C'est pour cela que j'insiste sur le fait que faire de l'argent en Bourse est si difficile.