Bien des gens, lorsqu'ils commencent à investir en Bourse, entendent parler d'un titre favorablement ; ils surveillent alors son comportement, voient par exemple qu'il s'est échangé au prix de 12 $ à 18 $ depuis un an, et l'achètent lorsqu'il se retrouve à environ 14 $. Ils souhaitent que ce titre rebondisse vers 18 $ pour empocher un gain.
Plus tard, selon leur cheminement, ils adopteront certaines stratégies, comme acheter lorsqu'un secteur ou certaines sociétés semblent avoir de bonnes perspectives pour les prochains trimestres, selon des experts renommés. Ils prennent soin de vendre lorsqu'ils ont réalisé de bons bénéfices, ce qui le plus souvent se définit selon eux par des gains de 50 %, voire de 75 %.
Au centre de leurs perceptions du marché boursier, les entreprises se ressemblent. Elles vivent de bonnes périodes, suivies de mauvaises. Si les investisseurs achètent et vendent habilement, ils peuvent faire de l'argent.
Je viens de décrire l'approche d'un très grand nombre d'investisseurs. Or, cette vision comporte une faiblesse majeure : il y a des entreprises vraiment supérieures...
Grande révélation
Pour bien des gens, ce sera une révélation. Pourtant, quand on y pense, ce n'est pas si surprenant. En effet, les entreprises sont créées par des êtres humains, détenues par des humains, servant des humains... elles sont donc tout comme les êtres humains. On dit souvent que tous les individus sont uniques. Eh bien, c'est la même chose pour les entreprises, elles sont toutes différentes.
Et certaines sont très supérieures aux autres.
C'est un peu le phénomène de la courbe normale. Vous avez à l'extrême gauche les sociétés nettement inférieures ; au milieu, il y a celles représentant la grande majorité des sociétés ordinaires «moyennes» ; et à l'extrême droite, les entreprises nettement supérieures, exceptionnelles.
Et c'est vrai dans chaque secteur économique.
Prenez par exemple l'industrie du camionnage. À première vue, difficile de voir comment on peut se différencier dans cette activité assez typique. Il s'agit de transporter des marchandises d'un point A à un point B... En fait, cela semble assez facile. Vous achetez ou louez des camions, embauchez des conducteurs, faites quelques publicités et vous facturez le plus que vous pouvez, et vous voilà en affaires !
Pourtant, une société comme Heartland Express, transporteur routier de l'Iowa, est nettement supérieure si je me fie à ses résultats. En 2013, elle a réalisé des marges bénéficiaires nettes de 12,2 %, ce qui signifie que, pour chaque tranche de revenus de 100 $, il lui reste plus de 12 $ après toutes ses dépenses, ses frais d'intérêt et même après avoir payé ses impôts.
De plus, elle a réalisé un rendement de l'avoir des actionnaires de 18,0 %, selon Value Line Investment Survey, même si la société n'a pratiquement aucune dette.
Comparons maintenant cela à Swift Transportation, un autre transporteur américain par camion. Swift est plus gros avec des revenus de 4,1 milliards de dollars américains par rapport à 582 millions de dollars américains pour Heartland, mais elle domine seulement sur ce plan. En 2013, ses marges nettes ont été de 3,8 %, sa meilleure année depuis longtemps (Swift a perdu de l'argent en 2010 et en 2009). Son rendement de l'avoir est de 11,4 %, ce qui est presque anémique quand on sait que la société a une dette à long terme de 1,5 G$ US, pratiquement cinq fois son avoir des actionnaires.
Un autre exemple, Werner Enterprises, transporteur routier établi à Omaha, a réalisé des marges nettes de 4,2 % et un rendement de l'avoir de 11,1 % en 2013 grâce à des revenus de 2,0 G$ US. L'entreprise n'a pas de dettes.
Comment expliquer cette performance différente ? Une partie de la réponse réside dans le fait que Heartland est plus efficace que Swift. Heartland a le meilleur ratio d'efficacité (les dépenses d'exploitation divisées par les revenus bruts) de son industrie, avec 80,7 % en 2013. Cela se compare à 91,3 % pour Swift durant la même période.
L'industrie dans son ensemble aurait un ratio d'environ 95 %.
Vrai dans tous les secteurs
J'utilise l'exemple des transporteurs routiers parce que c'est une industrie difficile, très sensible à l'économie, dans laquelle la marge de manoeuvre pour se distinguer semble très mince.
Mais ce phénomène est vrai partout. Dans tous les secteurs économiques, il y a des entreprises qui se distinguent, pas seulement un peu, mais de façon durable et très significative.
Autre exemple : dans le secteur alimentaire, une société comme Mead Johnson Nutrition réalise des marges bénéficiaires nettes de plus de 15 % avec un rendement du capital qui approche les 50 %. Un concurrent comme ConAgra Foods a une marge nette qui avoisine les 5 % et un rendement du capital de 8,0 %. Kellogg est très rentable, avec une marge nette de plus de 9 % et un rendement du capital de 15 %, mais c'est encore loin de Mead Johnson.
Peu importe le secteur (que ce soit l'électronique, le commerce de détail, les pièces d'autos, etc.) et peu importe les activités (fabrication, distribution, ou vente), il y a une ou plusieurs entreprises meilleures que les autres. Alors, si vous vous dites vraiment investisseur à long terme, ce sont ces sociétés que vous devriez privilégier.
Bourse: Le dirigeant de l'année est...
Le magazine Canadian Business a récemment nommé Louis Vachon, de la Banque Nationale, président de l'année, ce qui m'a poussé à réfléchir à ce genre de nomination. Selon Canadian Business, le titre de la Nationale a mieux performé que celui de ses cinq principaux concurrents, avec une appréciation de 23 %. Toutefois, pour avoir participé à ce genre de nominations à l'intérieur d'un média, je peux vous confier qu'il ne faut pas les prendre très au sérieux. Du moins, du point de vue de l'investisseur que vous êtes. Pourquoi ? Parce qu'il y a toutes sortes de facteurs qui entrent en jeu, qui n'ont rien à voir avec les réalisations des dirigeants.