On s’est souvent moqué des sportifs et des commentateurs sportifs avec leurs expressions souvent ironiques pour ne pas dire ridicules comme le proverbial «il a donné son 110%». Mais le monde boursier n’est pas en reste...
Il y a de nombreuses expressions carrément irrationnelles comme celle qui tente d’expliquer la baisse importante d’un titre ou d’un indice en disant que les acheteurs sont disparus. Faudrait se rappeler qu’à chaque transaction, il me semble qu’il y a un acheteur et un vendeur, non ?
Autre exemple : une société publie des résultats conformes aux attentes et le titre baisse. On pourra lire pour expliquer cette fluctuation que les analystes s’attendaient à ce que l’entreprise surpasse les prévisions. Ce qui est loufoque quand on sait que si les analystes s’attendaient à cela, c’est donc devenu la nouvelle attente, à moins qu’on ait oublié ce que signifie le mot «attente».
J’ai tendance à ressentir des frissons lorsque je lis ou entends un analyste ou un gestionnaire déclarer que le risque à la baisse de tel titre est limité. J’ai appris avec la dure expérience que le risque à la baisse d’un titre est toujours plus élevé qu’on pense.
Dans le cas de bien des titres spéculatifs, même déprimés, leur risque de baisse est en fait de 100%. Vaut mieux accepter cette réalité froidement que de s’enfouir la tête dans le sable.
Voici d’autres expressions répandues assez ironiques :
«Nous préférons attendre car il y a trop d’incertitude…»
Vraiment génial, exactement comme au début de 2000 lorsque tout le monde était certain que la Bourse était le placement par excellence. La seule certitude c’est qu’il y a toujours des incertitudes, sauf au sommet parfait lorsque l’euphorie nous fait oublier la réalité.
«La société a «raté» les prévisions des analystes.»
Encore là, c’est très typique de Wall Street. Autrement dit, c’est la faute de l’entreprise alors qu’en d’autres domaines on saurait qu’une telle affirmation est absurde. C’est exactement comme si le météorologue expliquait ses mauvaises prévisions en lançant que c’est le climat qui «n’a pas atteint les attentes»…
«C’est le temps de vendre/acheter.»
Spectaculaire déclaration qui ne veut rien dire parce qu’il manque une partie cruciale : pour qui ? En effet, si vous avez 32 ans, donc plus que 30 ans avant la retraite, je peux vous dire que c’est le temps d’acheter sans regarder les manchettes. Par contre, si vous avez 78 ans, peut-être que c’est plutôt le temps de vendre, non ?
«C’est le prochain «black swan» »
C’est très drôle d’entendre cela de la bouche d’un financier qui se prend pour un petit génie. Il dit une sottise car par définition, le black swan est un événement qu’on ne peut pas prédire. C’est ce qui le rend si dangereux.
«Très mauvaise journée à la Bourse alors que le Dow Jones (ou le TSX) a perdu 50 points ou 100 points…»
On disait cela lorsque j’ai commencé dans le métier en 1986 et on le dit encore, même si en 1986 ces 100 points représentaient une fluctuation de 6 % dans le Dow Jones et 10 fois moins importante aujourd’hui. C’est comme si on voulait vous faire croire en utilisant un «gros» chiffre comme «100» qu’il s’est passé quelque chose d’important en Bourse….
«Je m’attends à de la volatilité.»
Moi, je m’attends à ce qu’il y ait de la neige cet hiver et que les feuilles repoussent dans les arbres au printemps prochain. Vraiment génial.
«C’est un achat fort» Le proverbial «strong buy» qui veut dire…je ne sais pas trop. Est-ce que je clique plus fort sur ma souris pour acheter ce titre parce que c’est un achat fort ? Y a-t-il des achats «faibles» ?
Vraiment, les financiers n’ont pas de leçon à donner.
Bernard Mooney