BLOGUE. J’ai un grand respect pour Prem Watsa, président de la société d’assurance Fairfax Financial Holdings, et investisseur de grand niveau. C’est pourquoi ma curiosité a été piquée lorsque j’ai appris qu’il avait doublé sa participartion dans Research in Motion.
Fairfax détient maintenant près de 52 millions d’actions dans RIM (9,9% de toutes ses actions), soit un placement de plus de 350M$. Au 31 mars, elle détenait 26,8 milions d’actions.
Prem Watsa a commencé à acheter des actions de RIM au troisième trimestre de 2010. Selon mes calculs, il a payé au moins 780M$ pour ses actions, soit un coût moyen de 15$, par action. C’est plus du double du cours actuel.
Le gestionnaire y croit donc beaucoup. À son plus récent trimestre (clos le 2 juin), RIM a vu ses revenus baisser de 42% à 2,8 milliards de dollars (G$) US et elle a perdu environ 300M$US avant impôts (perte ne tenant pas compte d’une radiation). Malgré cela, elle a généré 711M$US pendant le trimestre.
À ses quatre derniers trimestres, les revenus de RIM ont été de 16,3G$US, ce qui se compare à 19,9G$US pour l’exercice 2011. Ses bénéfices avant impôts atteignent 1,8G$US (3,60$US par action), encore là en baisse sensible par rapport aux 4,6G$US de 2011. RIM a généré 2,6G$US (plus de 5$US par action) lors de ses quatre derniers trimestres par rapport aux 4G$US de 2011.
L'aubaine classique
Pas besoin d’aller plus loin : si vous prenez une photo de RIM (pour figer sa valeur) au moment d’écrire ces lignes, sur les bases de l’analyse fondamentale classique, on peut renifler une aubaine. Le titre se vend à peine à deux fois ses profits et encore moins cher sur la base de ses fonds autogénérés. De plus, la société a plus de 2G$US en encaisse (près de 4$US par action) sans dette.
De ce point de vue, si on liquidait la société demain matin, on pourrait fort probablement obtenir beaucoup plus que sa valeur boursière. Mais ce n’est pas dans les cartes, malgré les rumeurs de vente qui sont véhiculées de temps en temps.
Or, les activités de RIM sont en perte de vitesse, avec un grand V. Les analystes prévoient des pertes pour l’exercice en cours et aussi en 2014. Si elle continue sur cette lancée, son encaisse ne fera pas long feu. C’est pourquoi la nouvelle direction travaille sur sa relance, en commençant pas des réductions massives des coûts. Prem Watsa a lui même mentionné qu’il faudrait cinq ans pour revirer la société.
Le problème à mon avis, ne se situe pas dans les données financières. RIM évolue dans le secteur de la technologie où les revirements sont très difficiles. En fait, tout revirement d’entreprises peu importe son domaine d’activité est périlleux et très spéculatif (du point de vue de l’investisseur). C’est 1 000 fois plus vrai dans son secteur.
RIM a complètement manqué la courbe technologique qu’a représenté le iPhone, puis Android. Pour se réinventer, elle doit innover au point de lancer elle-même la prochaine courbe technologique, faisant dérouter ses principaux compétiteurs (Apple, Google, etc.). C’est à mon avis une commande héroique, du domaine du conte de fée.
En investisseur réaliste, je ne suis pas prêt à placer un dollar dans une telle spéculation.
La question : pourquoi Prem Watsa le fait-il ? D’une part, il croit sûrement plus aux chances de revirement et, faisant partie du conseil d’administration, peut influencer son processus. Sa contribution sera certes plus financière que technologique.
De plus, l’approche de placement de M. Watsa est basée en grande partie sur l’achat de titres déprimés, dans le but de profiter de l’amélioration de leurs perspectives à long terme. Et enfin, il est très patient, pouvant attendre plusieurs années avant de récolter.
Si vous bâtissez un portefeuille avec une vingtaine de titres aussi déprimés que RIM, vous avez des chances dans l’ensemble de réaliser de bons rendements.
Pour vous donner une idée, au 31 mars, le portefeuille de Prem Watsa, outre RIM, contenait des titres comme Johnson & Johnson, Level 3 Communications, AbitibiBowater, Dell, USG et les banques US Bancorp et Wells Fargo.
Bernard Mooney