Hier à Gatineau se sont ouvertes des audiences fort intéressantes pour l’industrie du sans-fil en particulier et des télécommunications canadiennes en général. Les huit commissaires du CRTC se sont présentés pour entendre des intervenants venus discuter des pratiques de ventes souvent qualifiées de musclées, parfois même de trompeuses par plusieurs consommateurs et groupes de défense des consommateurs partout au pays.
Comme on le faisait remarquer à la radio lundi, après le hockey, se plaindre de l’offre et du coût de ses services de télécommunications est probablement devenu le deuxième sport national au Canada.
Ce qui fait que quand on demande au public de commenter si et comment ils se sentent floués par leur fournisseur de services de télévision et de téléphonie, on en voit passer de toutes les formes et de toutes les couleurs.
Pour ne pas égarer le CRTC dans un fouillis de complaintes en tout genre, gardons ça simple. Voici trois mesures qui pourraient être appliquées dès aujourd’hui, et qui régleraient une bonne partie de la question une fois pour toutes.
Mettons fin aux frais excédentaires
Les frais excédentaires sont une véritable petite mine d’or pour les fournisseurs de services sans-fil. C’est la surcharge appliquée aux utilisateurs qui dépassent les limites de leur forfait, surtout du côté de l’internet mobile.
En 2017, dans son Rapport de surveillance des communications, le CRTC indiquait que «6% des revenus tirés des données mobiles par les fournisseurs canadiens proviennent directement des frais excédentaires imposés aux clients qui débordent de leur allocation mensuelle». En gros, ça équivaut à 720 millions $.
Ces frais excédentaires ont-ils leur raison d’être? Le septième gigaoctet d’un forfait en comptant déjà six coûte-t-il vraiment plus cher au fournisseur? Pourtant, Bell et Rogers ont haussé leurs frais excédentaires de 40% l’an dernier.
Comme Internet à la maison, le réseau mobile a une capacité limitée. La demande en bande passante ne cesse de croître, au pays, ce qui coûte cher aux fournisseurs. Pourtant, depuis quelques années, on a vu émerger des forfaits d’accès à Internet illimités partout au pays. Et c’est le CRTC lui-même qui a dû imposer une baisse allant jusqu’à 90% des prix de gros dans ce marché.
Mettre fin aux frais excédentaires dans le sans-fil ne signifie pas la naissance d’un Internet mobile illimité. Mais au moins, payer le même prix par gigaoctet, peu importe le nombre utilisé, serait un pas dans le bon sens.
Des spéciaux sur la durée du forfait
Plusieurs plaintes des consommateurs dans leur relation avec un fournisseur de services sans-fil peuvent se résumer ainsi : un agent du marketing promet un tarif mensuel d’une durée plus courte que celle de l’entente de service conclue avec le client.
Ce gigaoctet boni de données mobiles tous les mois est gratuit pendant 12 mois, mais votre forfait dure 24 mois. Ou alors, vous avez 100 chaînes à 100 $ pour un an, mais c’est jumelé à une entente à plus long terme. Pourquoi?
Inutile de dire que plusieurs consommateurs sont surpris, sur réception de la treizième mensualité, de voir le montant à payer monter soudainement sans raison apparente. Il leur faut alors se rappeler la conversation avec l’agent. Exiger d’étirer ce spécial sur la durée du contrat demande des efforts que peu peuvent déployer, puisqu’il faut avoir une preuve tangible que l’offre a été promise sur la durée du contrat.
Cette pratique n’est pas frauduleuse, mais il n’est pas difficile de comprendre pourquoi elle crée de la confusion.
Dissiper ce genre de flou dans la relation entre les fournisseurs et les consommateurs est précisément le rôle d’un organisme comme le CRTC. Inciter les fournisseurs à offrir les mêmes durées sur leurs spéciaux et sur leurs contrats semble une mesure pleine de gros bon sens qui ne coûtera pas une fortune à mettre en pratique.
Ouvrir le marché… virtuellement
Pour plein de raisons qui relèvent du ministère d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, le marché des télécommunications canadien est hors d’atteinte pour les investisseurs étrangers. Ça n’empêche pas les grands voyageurs de devenir clients de certains fournisseurs américains ou européens lors d’un passage en France ou aux États-Unis, afin de profiter d’un forfait international à moindre coût.
Free, dans l’Hexagone, ou FreedomPop, chez nos voisins du sud, sont des fournisseurs qui proposent des forfaits mobiles très abordables, voire même, coûtant carrément zéro dollar par mois.
Mais il faut être sur place pour au moins activer ces forfaits.
C’est donc une concurrence négligeable pour les joueurs canadiens. Et malheureusement pour le consommateur, c’est la concurrence qui fait baisser les prix, dans ce marché. Quand Vidéotron a fait son entrée dans le sans-fil, il s’est positionné en bas de l’échelle, et ça a immédiatement fait baisser les prix partout dans l’industrie.
On compte déjà quelques concurrents virtuels comme Koodo et Virgin Mobile, mais ils sont directement affiliés avec les grands fournisseurs.
Comme du côté de l’Internet résidentiel (ou en tout cas, filaire), le CRTC pourrait demander aux entreprises qui opèrent les antennes et les réseaux sans fil actuels de laisser plus de place à des nouveaux venus qui emprunteraient leurs ondes et revendraient leur bande passante sous forme de forfaits spécialisés à prix avantageux.
La formule existe déjà ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, AT&T et Verizon le font. En fait, Rogers, Telus, Bell et Vidéotron ont des ententes de partage entre eux. Pourquoi ne pas ajouter des joueurs à l’équation?
Mine de rien, avec son nouvel iPhone à deux cartes SIM (une vraie, une autre «électronique» appelée eSIM), Apple ouvre aussi le marché de cette façon. Quand on active une connexion LTE sur un iPad sans carte SIM, on voit apparaître des fournisseurs virtuels (mais étrangers) qui proposent des forfaits mobiles sur mesure (mais qui ne sont pas vraiment abordables, par contre).
Avec l’appui du fédéral, le CRTC aurait la capacité et l’autorité d’ouvrir le marché à de nouveaux réseaux virtuels et ainsi de stimuler la concurrence. Tout le monde en profitera, même les fournisseurs actuellement en place, qui pourront vendre une partie de leur bande passante en gros, et ainsi amortir l’investissement requis pour l’améliorer sans cesse.
Une bonne idée pour financer l’arrivée imminente des réseaux 5G qui vont coûter cher. Un bon moyen pour permettre aux consommateurs de payer moins cher. En somme, une situation dont tout le monde sortirait gagnant.
Sans attrape.
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