« Le vrai politique, c’est celui qui sait garder son idéal tout en perdant ses illusions », disait John F. Kennedy. Depuis le début de la campagne électorale, François Legault incarne plutôt l’inverse. Sa plateforme truffée d’illusions manque douloureusement d’idéal pour le Québec et je ne fais pas ici strictement référence au projet souverainiste duquel il s’est détourné. Non, la Coalition Avenir Québec (CAQ) ne propose rien pour l’environnement, la justice sociale, le partage de la richesse, le développement économique régional; pas d’idéal d’une société plus juste, qui s’affirme et s’entraide. Par contre, des illusions, il y en a pour les fins et les fous.
Ainsi, la CAQ promet de ramener la dette du Québec au même niveau que celui des autres provinces canadiennes en une dizaine d’années. Pour réaliser cette promesse, François Legault devrait rembourser un montant de 81,5 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Il prétend pouvoir le faire en versant la totalité des redevances perçues sur les ressources naturelles non renouvelables, qu’il ne prévoit pas hausser. Les revenus miniers sont évalués à quelque 4 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Le chef de la CAQ prévoit aussi affecter des hypothétiques redevances perçues sur le pétrole au remboursement de la dette alors qu’aucune entreprise pétrolière ne prévoit verser de redevances avant 2015, et ce, dans le meilleur des cas.
En outre, comme le Québec fait toujours partie du Canada, la moitié des redevances perçues par le gouvernement du Québec est retenue par le gouvernement fédéral par le biais du système de péréquation. Il est donc techniquement impossible de promettre d’affecter plus de la moitié de ces redevances avec la formule de péréquation actuelle. Pour réaliser son engagement de ramener la dette du Québec au même niveau que celui des autres provinces en affectant la totalité des redevances perçues sur les ressources non renouvelables, il lui faudrait plus de 400 ans.
Le chef de la CAQ entend aussi dépenser plus de 2 milliards de dollars pour des baisses d’impôt, en prétendant pouvoir dégager cette somme simplement en faisant du ménage dans l’État. Rappelons-nous que c’est le même François Legault qui, en 2007, lorsque le gouvernement libéral proposait de baisser les impôts de 950 millions de dollars, était le premier à dire qu’il s’agissait d’un geste irresponsable de Jean Charest parce que le Québec n’avait pas les moyens. Cinq ans plus tard, la situation des finances publiques s’est détériorée : il y a un déficit à résorber et la dette a augmenté de 42 milliards de dollars depuis 2007.
Afin de dégager la marge de manœuvre nécessaire pour payer cette mesure, il faudrait couper 50 000 des 63 000 fonctionnaires du gouvernement du Québec. Abolir les commissions scolaires, les agences de santé et 7000 postes à Hydro-Québec ne suffirait pas pour défrayer le coût de cette promesse.
On n’a d’autres choix, en entendant de pareilles énormités, que de conclure que François Legault n’a pas l’intention de tenir ses engagements. Il fait des promesses illusoires pour se faire élire et, une fois élu, il trouvera toutes les excuses pour justifier son inaction. Voilà le type de comportement qui suscite le cynisme et qui nuit à l’image de la classe politique.
À voir la plateforme présentée par François Legault, on croirait qu’il ne veut pas être premier ministre du Québec mais président-directeur général d’un conseil d’administration qui a fait ses prévisions budgétaires sur le coin d’une table.
Le Québec a besoin d’un premier ministre qui propose des solutions réalistes pour nous enrichir et seule Pauline Marois a l’honnêteté intellectuelle et les idées réalistes pour le Québec. Fini le temps des illusions, on recommence à avancer.
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LesAffaires.com offre une tribune à chaque parti politique pour faire connaître leur vision économique. Docteur en économie de l’université Queen’s, Nicolas Marceau est député de la circonscription de Rousseau depuis 2009. Il est aussi reconnu pour son engagement communautaire. Il est porte-parole officiel du Parti québécois en matière de finances.