Plus de 90 % des membres du Collège des administrateurs du Québec constatent des manquements à l'éthique chez les personnes qui gravitent autour de leur organisation qu'ils représentent. En fait, seulement 9 % estiment que leurs partenaires d'affaires (fournisseurs, employés, clients) ont un comportement irréprochable.
C'est la conclusion d'un sondage exclusif Les Affaires réalisé auprès de 204 administrateurs de sociétés. La consultation a été réalisée en collaboration avec le Collège des administrateurs de sociétés et René Villemure, président de l'Institut québécois d'éthique appliquée.
Pratiques douteuses dans l'industrie de la construction et du génie, scandales récents à propos du financement occulte en politique municipale... Ces révélations semblent avoir ébranlé les administrateurs québécois. " Il y a un profond malaise éthique ", résume Pierre Bernier, professeur à l'École nationale d'administration publique (ENAP).
Plus de 90 % des répondants estiment que le débat sur l'éthique en affaires doit se faire, " parce que des changements sont nécessaires ". Le malaise ne s'est pourtant pas traduit par des changements dans les façons de faire, selon le sondage. Près de 70 % des administrateurs interrogés ont déclaré que les scandales liés à l'éthique ne les ont pas incités à modifier leurs pratiques.
Parmi ceux qui n'ont pas changé leur comportement au sein des conseils d'administration, près de 91 % s'expliquent en affirmant qu'ils n'ont " rien à se reprocher ". D'ailleurs, plus des deux tiers des administrateurs déclarent qu'ils adoptent toujours un comportement éthique.
Le jugement des administrateurs sondés est cependant plus sévère quand il porte sur le comportement des autres. Seulement 9% d'entre eux répondent que leurs partenaires ont toujours un comportement éthique ; les trois quarts considèrent que c'est le cas " la plupart du temps ".
Ces statistiques sont probablement plus près de la réalité, indique Louise Champoux-Paillé, administratrice au Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires. Selon elle, les réponses des administrateurs sur leurs partenaires sont plus crédibles que celles fournies à la question concernant leur propre comportement. " Dans notre société, les gens transposent leurs comportements sur les autres. "
Réponses inquiétantes
Certaines réponses du sondage inquiètent Michel Dion, spécialiste de l'éthique en affaires de l'Université de Sherbrooke. Par exemple, plus de 13 % des administrateurs interrogés ont indiqué que, pour eux, l'éthique consiste à " ne pas se faire prendre en cas de pratiques douteuses ".
" Ça dénote une certaine mentalité de déviance organisationnelle, comme si c'était normal d'avoir des pratiques douteuses, commente-t-il. Ce genre d'attitude peut facilement mener à la criminalité. "
De son côté, Pierre Bernier, de l'ENAP, note une ignorance flagrante des questions d'éthique dans plusieurs réponses. Par exemple, un répondant sur cinq déclare qu'il n'a que rarement ou jamais été placé devant une situation mettant en jeu un problème éthique. " Cela veut dire qu'ils ne savent pas ce que c'est ", pense-t-il. Selon lui, les problèmes d'éthique sont partout : tout le monde y fait face de temps à autre. D'ailleurs, 79 % des répondants ont déclaré se heurter à des problèmes éthiques " parfois " (61 %), " souvent " (15 %) ou " fréquemment " (3 %).
À la question " Que signifie comportement éthique pour vous ? ", les administrateurs consultés répondent " Respecter mes valeurs " à 89,4 % et " Respecter les valeurs de l'entreprise " à 81,3 %. (Les répondants pouvaient cocher plus d'une réponse.)
En outre, environ les deux tiers déclarent également que leur organisation compte un responsable de l'éthique et qu'on y dispense de la formation sur le sujet.