BLOGUE. La transaction survenue entre la Caisse de dépôt et Québecor met en lumière la question de la valeur de Vidéotron, principal actif de Québecor Média. La machine à imprimer de l'argent menée par Robert Dépatie peut-elle encore augmenter son rythme?
La question reste d'actualité autant pour les actionnaires de Québecor, qui s'en retrouvent encore plus dépendants, que pour les déposants de la Caisse. Cette dernière détient encore près du quart de Québecor Média, en plus d'un intérêt dans l'entité mère Québecor, exprimé par la voie d'actions et de débentures qui, si elles étaient toutes converties en actions, pourraient représenter près de 24% de l'actionnariat.
Précisons d'entrée de jeu que tous les rapports d'analystes consultés récemment étaient plutôt élogieux à l'endroit de Vidéotron. Difficile de faire autrement, compte tenu de la très forte croissance des dernières années.
Pourtant, on ne peut s'empêcher d'observer quelques nuages dans le ciel de l'entreprise.
D'abord, pendant combien de temps cette croissance peut-elle durer avant d'atteindre un certain plafond ? Le réseau de l'entreprise, rappelons-le, est limité au marché québécois, et encore, pas dans son intégralité.
Deuxièmement, la menace de Bell s’accroît de jour en jour. Les dirigeants de Québecor eux-mêmes ont exprimé une vision proche de l'apocalypse pour faire valoir au CRTC que l'achat d'Astral par leur plus grand concurrent allait créer un environnement absolument intenable pour eux.
Il faut évidemment en prendre et en laisser. Mais une chose est certaine, si la transaction est approuvée : Québecor ne sera plus le seul « bully » dans la cour d'école. Ses stratégies proches de l'intimidation auprès de certains annonceurs ou concurrents risquent d'avoir moins de mordant, ce qui aura un impact sur l'ensemble des filiales de Québecor Média.
La filiale Vidéotron pourrait d'ailleurs être la plus durement touchée. C'est elle qui fera les frais de possibles manoeuvres de Bell pour exiger de plus fortes redevances pour ses chaînes spécialisées. C'est aussi elle qui devra faire face à des concurrents, les services télé Fibe et Bell Mobilité, possiblement dynamisés par l'achat des chaînes d'Astral.
Vidéotron doit aussi songer à la menace, encore timide, que peuvent représenter les services dits « alternatifs » (over the top, en anglais), comme Netflix, Amazon, Apple TV et autres, dont celui qu'a annoncé Bell. Le phénomène du cord-cutting tarde à se matérialiser, même aux États-Unis, mais on ne peut pas l'oublier.
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Un avantage qui fond
Il ne faudrait pas non plus oublier que l'avantage technologique dont dispose Vidéotron pour la télédistribution et l'accès à Internet s'effrite chaque fois qu'un technicien de Bell installe un mètre de fibre optique quelque part au Québec.
Il était très facile pour Vidéotron de convaincre des clients de choisir Illico plutôt qu'ExpressVu. Ce l'est beaucoup moins, voire pas du tout, quand le rival est le service Fibe tel qu'offert dans la région de Montréal, où la fibre optique s'arrête à la petite centrale de quartier. Ce ne l'est pas finalement pas du tout quand on parle du service Fibe tel qu'offert dans la région de Québec, où la fibre optique se rend jusque dans chacune des résidences.
Il faut aussi surveiller Telus du coin de l'oeil. L'entreprise a beaucoup investi dans son réseau filaire dans l'Est-du-Québec, qui s'arrête près de Québec. Une extension de ce réseau dans des zones desservies par Vidéotron (Montréal?) reste encore très spéculative, mais on ne peut pas l'exclure d'office.
Du côté du mobile, la sortie récente de l'iPhone 5 a confirmé que Vidéotron allait être handicapée pendant encore au moins un an par son incapacité à offrir cet appareil, en raison de questions techniques. Ces pépins techniques ne se résorberont manifestement pas sans un nouvel investissement massif dans l'achat de nouvelles fréquences lors de la prochaine enchère du gouvernement fédéral.
La dernière fois, en 2008, Vidéotron a dû investir 554 M$ pour acheter les fréquences qui lui ont permis de lancer son réseau. Elle avait alors bénéficié de conditions favorables aux nouveaux entrants qui lui ont probablement fait économiser quelques centaines de millions de dollars (333 M$, selon un calcul effectué par la direction de Radio-Canada). Il est loin d'être acquis que ces conditions seront renouvelées lors de la prochaine enchère. Elle aura peut-être à se mesurer d'égal à égal avec Bell, Rogers et Telus, voire avec de nouveaux concurrents étrangers, si le gouvernement fédéral donne suite à l'intention qu'il a déjà exprimée en ce sens.
Le portrait peut paraître sombre, après avoir énuméré ces risques, mais il ne fait pas vraiment de doute que Vidéotron est une entreprise en très bonne santé. La question est simplement de savoir si elle peut se porter encore mieux au cours des prochaines années. Et en ce sens, la Caisse a peut-être réduit son risque au bon moment.