BLOGUE. Dans une semaine, très exactement, les géants Microsoft, Sony et Nintendo auront, dans l'ordre, jeté cartes sur tables en ce qui concerne leur stratégie dans le secteur du jeu vidéo pour l'année qui vient. D'ici là, c'est le temps des devinettes.
Microsoft sera la première à s'adresser à la foule dans le cadre de l'Electronic Entertainment Expo (E3), la plus grande foire annuelle de l'industrie du jeu vidéo, qui se tiendra la semaine prochaine, à Los Angeles.
Mais à moins d'une surprise, c'est la dernière des trois présentations, celle de Nintendo, qui devrait attirer le plus de regards, en raison du dévoilement attendu de plusieurs détails à propos de la prochaine console de l'entreprise, la Wii U.
À quoi peut-on s'attendre de chacun des trois géants de cet univers? Osons le jeu des prédictions.
MICROSOFT
Tous les amateurs souhaiteraient voir Microsoft lever le voile, ou au moins un coin de ce voile, sur sa prochaine console Xbox. Ce scénario est toutefois hautement improbable et ne devrait survenir que dans un an, à l'E3 2013.
On risque donc d'avoir droit à un événement sans grand coup de tonnerre, un peu à l'image de celui de l'année dernière. La stratégie de Microsoft s'articule autour de trois axes :
• Les jeux haute définition pour les « hardcore gamers »
C'est ce public qui a jusqu'ici fait le succès de la Xbox 360 et Microsoft serait mal avisée de les oublier. On sait déjà que le jeu Halo 4 sera de la partie, fort probablement au tout premier rang de la « formation ». On parlera aussi des franchises Forza (course automobile) et Fable (aventure fantastique), ainsi que d'au moins un autre nouveau projet d'envergure pas encore annoncé. Les éditeurs tiers y auront aussi leur place, notamment Activision et son incontournable Call of Duty.
• Les jeux pour joueurs occasionnels (casual)
Dans ce secteur, Microsoft mise sur la technologie de détection de mouvements Kinect. Beaucoup d'emphase y avait été mise l'an dernier, avec l'arrivée de la deuxième vague de jeux conçus expressément pour cet équipement. Malheureusement, ceux-ci se sont à peu près tous révélés être des navets quand ils ont été lancés. Doit-on s'attendre à plus de succès cette année? Personnellement, j'en doute.
• Xbox Live et la Xbox en tant que pièce centrale du salon
Cette stratégie est un peu moins perceptible au Canada qu'elle ne l'est aux États-Unis, où Microsoft a signé davantage d'ententes. Mais la Xbox est clairement la meilleure arme dont dispose présentement Microsoft dans la « bataille des écosystèmes » qui l'oppose entre autres à Apple et Google. Il ne serait donc pas étonnant de voir Microsoft ajouter quelques partenariats pour la distribution d'émissions télévisées, de films, de musique ou de toute autre forme de contenu.
Peut-être reviendra-t-on aussi sur le nouveau modèle d'affaires inspiré de l'industrie du mobile qu'essaie présentement Microsoft, soit l'idée d'offrir la console au rabais (99$) en échange d'un abonnement de deux ans au service Xbox Live
PROCHAINE PAGE : SONY
SONY
Ici aussi, peu de chance de voir Sony faire la moindre allusion à une éventuelle PlayStation 4.
L'an dernier, il y avait un éléphant dans la pièce lors de la conférence de Sony : l'immense panne de son système PlayStation Network, victime de piratage. Cette sombre histoire est maintenant derrière l'entreprise, qui doit se concentrer à redonner du tonus à son offre de jeux. Au cours des dernières années, Sony nous avait habitués à une série de jeux exclusifs à la fois excellents et originaux, provenant parfois de ses propres studios, parfois d'éditeurs tiers. La récolte a été plus mince cette année. Il faut redresser la barre.
Côté titres, l'avant-scène sera fort probablement occupée par le prochain épisode de la série d'action God of War, produite par Sony elle-même. Je ne serais pas étonné, et j'espère secrètement, de voir apparaître un nouveau titre du studio français Quantic Dreams, auteur de l'excellent et original Heavy Rain, publié il y a deux ans exclusivement sur la PS3. Peut-être une suite, peut-être une nouvelle franchise, je l'ignore.
L'une des grandes tendances souvent évoquées par les prophètes du jeu vidéo est la « dématérialisation » des jeux. En clair, il s'agit de cette idée selon laquelle on puisse utiliser un jeu à tout moment, peu importe où l'on se trouve. Sony est probablement la mieux placée pour tirer profit de cette tendance, grâce au lancement il y a quelques mois de la console portable PlayStation Vita.
Sony a d'ailleurs mené au cours des derniers mois une campagne publicitaire à cet effet, avec le slogan « Never Stop Playing »
Il faut donc s'attendre à ce qu'au moins deux ou trois jeux significatifs produits par Sony elle-même bénéficient de cette fonctionnalité multiplateforme. Et peut-être, si Sony a bien joué ses cartes, un ou deux titres importants provenant d'éditeurs tiers. Personnellement, je regarderais en premier lieu du côté d'Electronic Arts et de ses jeux de sports.
Pour le reste, il serait étonnant d'avoir droit ici aussi à un coup de tonnerre. Sony, la plus orientée sur la mise en marché parmi les trois entreprises, annoncera certainement un nouvel ensemble « console-jeu-accessoire » avec un prix alléchant. Certains vont jusqu'à espérer une baisse du prix de la PlayStation 3, ce qui n'est pas impossible non plus.
PROCHAINE PAGE : NINTENDO
NINTENDO
La conférence de presse de Nintendo, prévue mardi matin, heure de l'Ouest, devrait normalement être l'événement de ce E3
Après avoir alléché les amateurs en présentant la manette de la Wii U l'an dernier, on devrait cette année compléter le portrait d'ensemble : capacités techniques de la console elle-même, service en ligne, partenariats avec des fournisseurs de contenu, etc. Il serait toutefois étonnant que l'on ait droit à un prix. Cette information stratégique est généralement conservée secrète le plus longtemps possible.
Comme Sony, Nintendo peut elle aussi bénéficier d'une console portable, la 3DS, pour tenter de miser sur la dématérialisation. Mais les caractéristiques techniques bien particulières de la Wii, la Wii U et la 3DS, notamment leur emphase respective sur le mouvement ou la 3D, rendent l'interopérabilité plus périlleuse.
Pour les analystes, la question est de savoir quel public visera Nintendo avec la Wii U. Sa prédécesseure, la Wii, a connu un succès fulgurant qui a confondu les sceptiques en ciblant les joueurs occasionnels, au détriment du public traditionnel plus « hardcore », pratiquement concédé à Microsoft et Sony.
Or, en présentant la manette de la Wii U l'an dernier, Nintendo a aussi présenté une vidéo dans laquelle de très gros éditeurs tiers, dont Ubisoft et Warner, annonçaient leur intention d'y porter leurs franchises plus « hardcore », Assassin's Creed et Batman, par exemple.
Nintendo peut-elle réellement voler ce public à ses deux rivales? Risque-t-elle au passage de s'aliéner le public plus occasionnel qui a fait son succès? Le risque est certainement présent. Il sera intéressant de voir sur quel(s) tableau(x) Nintendo entend jouer.
Les membres de l'Église Nintendo (l'entreprise jouit d'un soutien contemplatif de la part de millions de fanatiques) seront aussi très curieux de voir laquelle ou lesquelles des grandes franchises de l'entreprise (Mario, Zelda, Donkey Kong, Super Smash Brothers, etc.) accompagneront la Wii U lors de son lancement.