BLOGUE. Le monde des télécommunications est présentement suspendu aux lèvres du gouvernement, en particulier à celles du ministre de l'Industrie, Christian Paradis. On attend impatiemment une décision sur les règles qui gouverneront la prochaine enchère de fréquences sans fil, un jeu qui vaut des centaines de millions de dollars.
Rappelons qu'à la fin de l'été dernier, on a libéré certaines fréquences sans fil en imposant le passage au numérique dans la télévision par ondes hertziennes. Ceux qui écoutaient encore la télévision avec des « oreilles de lapin » ont dû adapter leur équipement.
Les ondes ainsi libérées doivent être mises aux enchères sous peu par le gouvernement fédéral, au profit des entreprises de télécommunications sans fil. La dernière fois qu'une telle opération a eu lieu, en 2008, le gouvernement canadien a récolté plus de 4 milliards de dollars et les consommateurs ont vu apparaître des concurrents comme Vidéotron, Public Mobile, Wind et Globalive.
À peine quatre ans plus tard, le marché s'apprête à être de nouveau bousculé. L'enchère devrait encore une fois être très courue, pour diverses raisons. D'abord, la popularité grandissante des échanges de données sans fil augmente les besoins en fréquences. Mais aussi, celles qui étaient utilisées par la télévision (700 Mhz) sont de grande qualité.
Michael Hennessy, premier vice-président aux affaires publiques et gouvernementales chez Telus, estime qu'il sera à peu près impossible pour une entreprise de se passer de ces fréquences.
« Avec une seule antenne, on peut couvrir le territoire normalement couvert par trois antennes avec les fréquences actuelles, explique-t-il. C'est la seule façon de faire pour étendre notre réseau dans les zones rurales. En plus, comme ces fréquences ont déjà été attribuées aux États-Unis, les nouveaux appareils vont les utiliser de plus en plus. »
Les lobbyistes à pied d'oeuvre
Mais avant même d'ouvrir les enchères, il faut en déterminer les règles. Et les lobbyistes sont à pied d'oeuvre depuis déjà longtemps dans ce dossier. C'est d'ailleurs ce qui explique que M. Hennessy fasse actuellement la tournée des journalistes pour faire valoir le point de vue de Telus.
En 2008, les lobbyistes des « nouveaux entrants », Quebecor en tête, avaient réussi à convaincre le gouvernement fédéral de leur réserver en exclusivité une part des fréquences. La manoeuvre avait pour but d'éviter que les trois grands que sont Bell, Telus et Rogers ne puisent dans leurs poches profondes pour accaparer tout le spectre, quitte à surpayer, afin que leur commerce reste exclusif.
C'est une position pour laquelle milite encore Quebecor, selon une publication spécialisée. L'entreprise aurait tout récemment changé sa position, après avoir d'abord milité pour une formule de « plafond ».
C'est cette formule de « plafond » que favorise aussi Telus.
« En 2008, nous disions que l'enchère devrait être ouverte à tous, indique M. Hennessy. Cette fois, nous reconnaissons que le ministère a clairement établi trois objectifs, soit de créer un équilibre entre les anciens et les nouveaux joueurs, de maximiser les investissements dans la technologie LTE et de favoriser l'étendue des réseaux et des services dans les régions rurales. C'est pourquoi nous suggérons qu'il y ait un plafond sur la quantité de fréquences que peut se procurer un seul acheteur. Cela assurerait qu'il y ait plus que trois gagnants. »
Le domaine du sans fil est à peu près ce qui se fait de plus complexe à expliquer en termes techniques. Que les puristes me pardonnent de simplifier un peu (mais ne vous gênez pas pour me corriger si j'erre).
En 2008, selon M. Hennessy, la « quantité » de fréquences disponibles était d'environ 90 Mhz. Cette fois, on parle plutôt d'environ 50 Mhz. Et une entreprise a besoin d'en détenir au moins 10 Mhz pour que ce soit utilisable de façon commerciale. En plafonnant la quantité à 10 Mhz, selon M. Hennessy, on pourrait donc s'assurer qu'il y ait cinq gagnants, ce qui signifie qu'à peu près tout le monde serait servi.
C'est d'autant plus vrai qu'il faut de plus en plus s'attendre à ce que des entreprises partagent réseaux ou fréquences, comme Telus le fait avec Bell, en raison de la raréfaction des fréquences.
Évidemment, ce n'est peut-être pas la solution préférée du gouvernement. Plus les règles assurent des fréquences à tous, moins élevés seront les dividendes.
À ce chapitre, la dernière enchère a créé beaucoup trop d'injustice, selon Telus.
« Les nouveaux entrants pouvaient miser sur toutes les fréquences, alors que nous ne pouvions miser sur celles qui leur étaient réservées. Elles misaient donc d'abord sur les fréquences "publiques", pour que les prix de celles qui leur étaient réservées restent bas. Il en est résulté quelque chose comme 336 rondes d'enchères, ce qui doit être un record du monde. Au total, les prix étaient 40% plus élevés que ce qu'on a vu aux États-Unis. C'est de l'argent qui ne va pas dans l'équipement de réseau. »