Pas facile de rencontrer Stéphan Crétier, le patron de Garda, car il passe la plupart de son temps à Dubaï. Il déménage toujours dans le marché où son entreprise de sécurité s'implante. C'est actuellement au Moyen-Orient, dans le secteur des services conseils en gestion du risque.
" C'est là qu'aura lieu notre future grande expansion ", dit l'entrepreneur, lors d'une entrevue accordée à son bureau de Montréal.
" C'est important de déménager pour bâtir localement une relation d'affaires avec les institutions financières et les clients ", explique le président et chef de la direction de Garda.
Les revenus de la société inscrite à la Bourse de Toronto (GW) devraient y atteindre de 200 à 225 millions de dollars (M$) d'ici 18 mois - ils s'établissent actuellement à 125 M $, en comprenant l'Afrique du Nord.
Ce qui justifie amplement qu'il habite " 60 % de son temps " à Dubaï. L'homme d'affaires avait déménagé aux États-Unis quand l'entreprise s'y est implantée, en 2005.
À cette époque, Garda a mis la main sur United Armored Services, le plus important transporteur de valeurs dans le Midwest américain, au coût de 13 millions de dollars américains (M$ US). L'entreprise avait un chiffre d'affaires de 40 M$ US et desservait des banques, des grandes entreprises de détail et des gouvernements.
Garda n'entre toutefois pas dans un marché à n'importe quel prix. Trois critères la guident : créer de la richesse; transposer son modèle d'entreprise; être un leader.
Quand Garda ne peut pas remplir ces critères, elle sort du marché, comme elle l'a fait en 2009 en vendant ses activités de surveillance et de sécurité physique aux États-Unis et au Mexique, chapeautées par Vance International.
" J'ai vendu, car nous ne pouvions pas nous hisser au deuxième ou au premier rang ", dit Stéphan Crétier. Les revenus nets tirés de la vente de Vance ont aussi permis à Garda de rembourser en partie sa dette. L'entreprise a toutefois conservé la partie internationale des activités de surveillance de Vance, ce qui comprend les multinationales, les organisations gouvernementales et les ambassades dans le monde entier.
Miser sur la qualité et le professionnalisme
En Amérique du Nord, Garda s'est démarquée dans l'industrie de la sécurité et du transport de valeurs en offrant un service d'entreprise à entreprise (B to B). " Nous ne sommes pas une firme de sécurité en affaires, mais des gens d'affaires en sécurité, la nuance est importante ", insiste le patron de Garda. L'entreprise, fondée en 1995, est ainsi devenue le numéro deux de l'industrie en Amérique du Nord en 15 ans.
M. Crétier donne notamment l'exemple du suivi de chargement pour expliquer les nouvelles façons de faire de Garda. " Notre industrie n'est pas très sexy. Elle fonctionne encore avec trois copies papier. Nous, on arrive chez le client avec un scanner, un peu comme FedEx. "
Selon Stéphan Crétier, la formation des employés - bilingues, cordiaux, capables de prodiguer les premiers soins - pèse aussi dans la balance face à la concurrence, sans parler du service à la clientèle accessible en tout temps.
Importer le modèle canado-européen
Ce n'est pas un hasard si Garda tire 93 % de ses revenus du transport de valeurs en Amérique du Nord. " Je ne peux pas apporter de valeur ajoutée en Europe ", précise Stéphan Crétier.
Le marché européen est un marché mature, avec des firmes comme G4S et Securitas. " Aux États-Unis, on implante d'ailleurs les modèles européen et canadien, qui sont les mêmes ", dit-il.
Les États-Unis sont le seul pays industrialisé où les banques comptent encore leur argent elles-mêmes. Au Canada, les institutions financières impartissent le décompte de liquidités à des firmes de sécurité. " À notre siège social à Montréal, il y a 500 millions de dollars dans la voûte ", dit Stéphan Crétier, en précisant qu'ils sont très bien gardés.
Aux États-Unis, le marché du décompte de liquidités représente des milliards de dollars, un marché sur lequel Garda compte prendre une bonne part. " La question n'est pas de savoir si les banques américaines adopteront le modèle canadien, mais quand elles le feront. "
SECTEURS D'ACTIVITÉS DE GARDA
Solutions sécurité
Agents de sécurité
Agents au contrôle préembarquement
Enquêtes et services
Conseils vérifications préemploi
Services conseils - marchés émergents
Aménagement d'installations temporaires sécurisées en milieu hostile
Transport de valeurs
Transport de valeurs en camions blindés
Approvisionnement de guichets automatiques
Décompte des liquidités
Services coffres-forts et serrures électroniques
RÉPARTITION DES REVENUS
Par pays
Canada 46 %
International 7 %
États-Unis 47 %
Par secteur
Transport de valeurs 55 %
Sécurité physique 45 %
ÉVOLUTION DES REVENUS
En millions de dollars canadiens
2005 183
2006 245
2007 522
2008 1 014
2009 1 105
2010 1 083
Source : Garda
LES RISQUES AUXQUELS EST EXPOSÉE GARDA
Risque de réputation
Oui
Pour Stéphan Crétier, président et chef de la direction de Garda, le principal risque à l'étranger est celui de la réputation. Un événement pourrait ternir l'image de l'entreprise, comme une fusillade blessant ou tuant des passants. Il donne l'exemple de Blackwater Worldwide. En 2010, l'Irak a expulsé 250 gardes de sécurité privée liés à cette entreprise qui assuraient la sécurité des diplomates américains. Cinq d'entre eux avaient été accusés d'avoir tué 17 citoyens iraquiens. En Irak, Garda assure la sécurité des diplomates britanniques.
Risque de sécurité
Oui
Garda évolue dans une industrie dangereuse. " Parfois, je perds des clients, ça arrive. Ils se font tuer ! Des employés peuvent aussi perdre la vie lors de fusillades ", dit Stéphan Crétier. Pour limiter ce risque, Garda respecte des normes de sécurité élevées.
Risque de change
Oui, un peu
La hausse du huard par rapport au dollar américain fait mal à Garda, qui doit convertir ses revenus américains en dollars canadiens, disent les analystes. En 2010, 47 % de ses revenus totaux provenaient des États-Unis. Pour diminuer ce risque, l'entreprise fait des opérations de couverture naturelle. Elle ne convertit pas tous ses dollars américains; elle en dépense une partie aux États-Unis.
Risque géopolitique
Non
Garda profite de l'insécurité ou de l'instabilité politique pour offrir ses services, souligne Pierre Fournier, analyste en gestion du risque à la Financière Banque Nationale. " Son risque, paradoxalement, c'est un environnement sécuritaire ! "
200 Montant, en milliards de dollars américains, que Garda traite chaque année dans ses chambres fortes.
Source : Garda
Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.
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