Il n'y a que 75 coopératives de travailleurs actionnaires au Québec (CTA), mais vous estimez qu'elles constituent une des meilleures solutions à la relève entrepreneuriale. Pourquoi ?
Il y aura 150 000 PME à reprendre au cours des huit prochaines années. On ne trouvera jamais assez de repreneurs individuels. Les entreprises valent tellement cher que les clubs de travailleurs sont parmi les mieux placés pour trouver des fonds afin de les racheter. Il s'agit d'une des manières les plus sociales et les plus imaginatives qui soient de recueillir du capital. Et, pour fidéliser un jeune à une entreprise, c'est un excellent moyen. Si on ne fait rien pour la relève des PME, c'est l'investissement étranger qui va les acquérir. Il faut préparer notre héritage ! De gros bailleurs de fonds, comme Desjardins, vont pousser le modèle CTA prochainement.
Quels secteurs de l'économie pourraient le mieux trouver leur compte dans de telles coopératives ?
On s'adresse notamment au secteur manufacturier à valeur ajoutée, qui est fort en innovations et qui propose des produits distinctifs. On vise aussi les technologies de l'information et des communications ainsi que les entreprises de service de 20 à 200 employés. Dans tous les cas, les futurs membres doivent être très mobilisés pour assurer la réussite.
En plus de l'apport en capital, quels avantages présente la formule CTA ?
C'est une des voies pour réintégrer l'humain dans l'entreprise. Le modèle est vivant et dynamique et peut s'adapter aux entreprises. Je dis souvent que c'est un hybride entre la coopérative et le "inc.". Le propriétaire doit céder au minimum 30 % de ses parts pour que le modèle se gère bien. L'employé n'est plus seulement travailleur, il obtient des ristournes sur les profits et il a des représentants au conseil d'administration. C'est une bonne manière d'assurer la pérennité d'une entreprise, de garder les gens heureux au travail et d'encourager l'achat local. De plus, les membres et les employés d'une CTA bénéficient d'un avantage fiscal de 125 % sur l'investissement [déduction à la source sur les salaires versés].
CV
Nom : Luc Fournier
Fonction : Gestionnaire CTA à la Fédération des coopératives de développement régional du Québec (partenaire MDEIE)
Âge : 39 ans
Luc Fournier a été biochimiste et associé de recherche chez Ratiopharm et DSM Biologics, puis entrepreneur. Il tente aujourd'hui de donner des ailes aux CTA, une formule qui regroupe exclusivement des personnes physiques qui souhaitent acquérir des actions dans l'entreprise qui les emploie. Le taux de survie des CTA après 10 ans est de 24,6 %, par rapport à 19,5 % pour l'ensemble des entreprises.