Ce n'est pas un hasard si Transat A.T. offre aux touristes des destinations dans plus de 60 pays et distribue ses produits dans une cinquantaine de pays concentrés en Amérique, en Europe de l'Ouest et en Afrique du Nord. Comme aux échecs, le voyagiste montréalais planifie des années d'avance ses acquisitions et les changements à son offre, afin de répondre à la demande.
" Pour se développer à l'étranger, Transat suit un plan stratégique triennal, que ce soit pour sa croissance organique ou pour ses acquisitions ", dit son vice-président au développement des affaires, André De Montigny.
Par exemple, en 2008, Transat, inscrit à la bourse de Toronto, avait décidé qu'il voulait devenir un chef de file en Europe occidentale, principalement en France. Le prochain plan triennal (2012-2014) est encore en préparation, mais Transat sait déjà qu'il visera l'Amérique du Sud.
" Nous voulons cerner les flux, les structures de marchés et le fonctionnement de l'industrie ", précise André De Montigny. Transat s'intéressera aussi à des marchés potentiels en Asie.
Se placer dans le top 3
Une fois que Transat a ciblé un marché, elle s'y implante la plupart du temps par l'acquisition d'un acteur local ou d'un voyagiste qui y a déjà des activités. Mais il y a une condition importante : Transat doit figurer parmi les trois plus importants voyagistes de ce marché.
Cela a été le cas en Tunisie. Pour rentrer dans ce pays, Transat a acheté, en juillet 2007, le voyagiste français Amplitude Internationale, un spécialiste de la Tunisie, au coût cinq millions de dollars canadiens. L'entreprise française avait 80 000 clients, et ses ventes s'élevaient à 50 millions de dollars (M $). " Avec cette acquisition, nous sommes devenus le 2e acteur le plus important du pays ", dit André De Montigny.
Transat peut aussi acquérir des voyagistes pour mieux contrôler les marchés sur lesquels elle est déjà présente. C'est ce que l'entreprise a fait en 2006, au Royaume-Uni, en achetant The Airline Seat Company - une société britannique en activité sous la marque Canadian Affair - pour 43 M $.
Canadian Affair transportait chaque année 200 000 voyageurs au Canada. " Notre relation d'affaires avec cette entreprise allait mal ", confie André De Montigny. En l'acquérant, Transat s'est enlevé une épine du pied, en plus de devenir le plus important transporteur entre le Canada et le Royaume-Uni, après Air Canada et British Airways.
Transat peut aussi créer sa propre filiale dans un pays, comme Eleva Travel au Mexique, en 2010, si aucune acquisition n'est possible.
Moins cher, plus souple
Même si Transat est l'une des plus grandes entreprises touristiques du monde, le voyagiste intégré fait face à une vive concurrence, surtout dans le contexte d'une offre excédentaire dans l'industrie touristique.
Transat a deux stratégies pour se démarquer : réduire constamment ses coûts, afin d'être plus compétitif, et devenir de plus en plus flexible, afin de répondre aux besoins de plus en plus exigeants des touristes.
Pour ce qui est de la compétitivité, Transat est en train de changer sa flotte de 20 avions, pour passer des Airbus 310 (250 places) à des Airbus 330 (350 places).
" Nos coûts unitaires diminuent ", confirme André De Montigny. Ces nouveaux appareils lancent toutefois un défi à Transat, car il sera plus difficile de les remplir pour les rentabiliser dans de petits marchés comme la ville de Québec.
En ce qui concerne son offre, Transat devra être plus souple pour proposer des forfaits à la carte, de plus en plus réclamés par les touristes. " Dans les années 1990 et 2000, l'offre dictait la demande. Aujourd'hui, c'est le contraire ", précise le vice-président au développement des affaires.
Les voyageurs s'informent directement sur les sites Web des pays qu'ils ciblent, sur les médias sociaux comme Facebook ou sur des sites d'opinion comme Tripadviser. Pour se démarquer, Transat doit aussi offrir des voyages de niche.
L'entreprise est à la fois un voyagiste, un transporteur (Air Transat), un hôtelier (par des participations) et un excursionniste. En plus, elle offre un service de transport terrestre. " Pour nous, le client parfait est celui qui utilise tous nos services ", résume André De Montigny.
LES RISQUES QUE TRANSAT AFFRONTE
Risque de gestion
Oui
De l'aveu d'André De Montigny, v.-p. au développement des affaires de Transat, le principal risque à l'étranger est celui des ressources. Les sociétés que Transat achète doivent avoir de bons dirigeants pour assurer son développement local. " On peut refuser une acquisition si on estime que l'expertise de l'équipe est insuffisante. "
Risque énergétique
Oui
Comme Transat exploite une flotte de 20 avions, la société est exposée à la hausse des prix du pétrole. Des cours élevés réduisent ses profits, et l'entreprise peut difficilement augmenter ses tarifs pour compenser ces pertes, soulignent les analystes.
Risque de change
Oui, un peu
Transat souffre de la force du dollar canadien, même si elle couvre ses opérations de change. " Durant l'été 2010, l'appréciation du huard face à la livre sterling et à l'euro a eu un impact négatif de 80 millions lors de la conversion de ses revenus européens ", écrit Claude Proulx, de BMO Nesbitt Burns.
Risque économique
Oui
Une faible perspective de croissance nuit à Transat. " Des gens inquiets voyagent moins ", dit Pierre Fournier, de Financière Banque Nationale. L'entreprise pâtit aussi des surcapacités dans l'industrie du tourisme, qui réduisent les prix.
Risque politique
Oui, un peu
Transat pourrait perdre des clients au Mexique, par exemple, si la guerre de la drogue sévissait dans des régions touristiques. Déjà, la violence a atteint une ville comme Acapulco.
302 M $ Les dépenses en carburant d'avion de Transat en 2010; cette facture risque de grimper en 2011, avec l'envolée du baril de pétrole.
ÉVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE TRANSAT (EN MILLIARDS DE DOLLARS)
2006 2,60
2007 3,05
2008 3,51
2009 3,55
2010 3,50
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES REVENUS DE TRANSAT EN 2010 (EN MILLIONS DE DOLLARS ET EN POURCENTAGE)
Amérique 2 568 73,4
Europe 931 26,6
SECTEURS D'ACTIVITÉ DE TRANSAT
Voyagistes expéditifs
Voyagistes réceptifs et services à destination
Distribution au détail
Transport aérien
Hôtellerie
Source: Transat
Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.
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