Vendre à la Chine
Les entreprises se sont appuyées sur la main-d'oeuvre chinoise durant des années pour réduire leurs coûts. Cette époque est en partie révolue. Aujourd'hui, la Chine, c'est aussi un marché avec des consommateurs friands de produits occidentaux.
Parcourir les artères commerciales des grandes villes comme Canton, Shanghai et Beijing permet de constater à quel point beaucoup de Chinois ont maintenant un mode de vie similaire au nôtre. Les grands noms de la mode européenne ont pignon sur rue, les jeunes possèdent pratiquement tous un téléphone cellulaire, les voitures de luxe sont omniprésentes et les enseignes de la chaîne de supermarchés française Carrefour, de BMW ou encore Louis Vuitton foisonnent.
Ces multinationales brassent de grosses affaires en Chine. Elles inondent le marché d'aliments, de vêtements, de machineries, de véhicules, de matériaux de construction, etc. Sans parler des services, de l'ingénierie à la formation en passant par la finance. Des marchés sur lesquels des entreprises canadiennes prennent position.
La demande intérieure explose en raison de l'émergence marquée de la classe moyenne. Morgan Stanley a estimé que 31,7% des ménages chinois touchaient des revenus moyens (de 5 000 à 15 000$US) en 2010. Et cette proportion devrait atteindre 44% en 2015. Ce n'est pas encore énorme, mais on est loin des années Mao.
Cet essor n'est pas le pur fruit du hasard. Le Parti communiste chinois veut développer le marché intérieur pour que le pays soit moins dépendant des exportations. Parmi les mesures prises, la hausse des salaires.
" Ils bondissent de plus de 10 % par année ", souligne Ron Ball, président de l'entreprise canadienne EHC-Global, devant un café, dans son bureau de Shanghai. Son usine chinoise de fabrication de rampes d'escalier roulant vend 80 % de sa production en Chine. Cette poussée des salaires est cruciale pour stimuler la consommation, d'autant plus que les Chinois épargnent 40 % de leurs revenus.
Servir le marché intérieur, directement ou indirectement
Même si elles sont moins présentes que les multinationales américaines, françaises, allemandes et japonaises, les entreprises canadiennes tentent le coup. Sous l'étiquette Beautifully Canadian, des designers d'ici vendent leurs manteaux de fourrure chez White Collar, une chaîne de boutiques haut de gamme en Chine. Depuis octobre 2010, BMO Groupe financier en Chine s'est constituée en société chinoise, ce qui lui permet entre autres d'offrir des comptes de dépôts en yuans aux Chinois et des fonds d'investissement chinois.
D'autres profitent indirectement de l'effervescence de la consommation en vendant à des entreprises chinoises qui, elles, servent le marché intérieur.
Jusqu'à récemment, Maxime Bérubé, installé à Canton, profitait de la Chine pour réduire ses coûts de fabrication et exporter en Occident. Il veut aujourd'hui vendre davantage de pièces de métal et de plastique à des entreprises nord-américaines établies en Chine, et pas seulement parce que ses coûts d'exportation vers l'Amérique du Nord et l'Europe pèsent lourd.
" Nous réalisons déjà de 10 à 15 % de nos revenus en Chine, y compris Macao et Hong-Kong. Mais en 2014, nous voulons atteindre 50 % ", raconte le président de Komaspec en nous faisant visiter son usine, qui fabrique des pièces sur mesure.
Savaria vend en Chine 50% des ascenseurs et des plateformes élévatrices qu'elle y produit. Il y a cinq ans à peine, la totalité de sa production embarquait sur des bateaux à destination des pays riches. D'autres PME comme Xebec (technologies propres) et Creaform (solutions numériques) tirent aussi leur épingle du jeu en produisant en Chine et en vendant à des entreprises chinoises. Même chose pour Bombardier, qui fabrique et commercialise des trains et des avions dans le pays.
Difficile toutefois de séduire les consommateurs chinois. Les géants américains Best Buy et Home Depot l'ont appris à leurs dépens. Ils ont dû quitter le pays cette année. Leur modèle d'entreprise et leur offre étaient tout simplement incompatibles avec les habitudes de consommation des Chinois, qui varient, en plus, d'une région à l'autre.