Sauriez-vous quoi faire, si vos parents perdaient soudainement leur autonomie ? Probablement pas. La vérité, c'est que nous sommes mal préparés à l'éventualité qu'un jour, nos parents dépendront de nous. Voici les scénarios que vous pourriez devoir affronter. Et la façon d'y réagir.
Votre père devient inapte
La situation : Depuis quelque temps, votre père est confus. Il n'ouvre plus son courrier, et les factures s'empilent sur son bureau. Légalement, il a encore le plein contrôle de ses finances. Même s'il n'est plus apte à le faire, il peut retirer de l'argent, effectuer des transactions et signer des chèques. C'est plutôt embêtant.
À vous d'agir : Vérifiez d'abord s'il a signé un mandat en prévision de l'inaptitude, c'est-à-dire un document dans lequel il a désigné une ou deux personnes qui sont chargées de voir à sa protection et à l'administration de ses biens au cas où une maladie ou un accident le priveraient de ses facultés. Pour vous en servir, vous devez obtenir son homologation par un tribunal après avoir prouvé que votre père est devenu inapte.
Il n'a pas de mandat ? Suggérez-lui d'en signer un, mais vous ne pouvez pas l'y obliger. "Le grand avantage est que la personne peut choisir à l'avance qui s'occupera de ses affaires, évitant ainsi des disputes au sein de la famille", note l'avocate spécialisée en droit des personnes âgées et conférencière, Hélène Guay. "Il faut être lucide pour le faire", précise-t-elle.
Si l'état de votre père se dégrade rapidement et qu'il n'a pas de mandat, vous n'aurez pas le choix de vous tourner vers les tribunaux et de demander l'ouverture d'un régime de protection. Ce dernier sert à assurer la protection d'une personne inapte qui n'avait pas prévu de mandat et à administrer ses biens. "Vous aurez besoin d'une évaluation médicale et psychosociale, avec ou sans l'autorisation de votre père, pour qu'un juge détermine le type de régime de protection qui lui convient", explique l'avocate Louise Boyd, de la Clinique juridique Juripop.
Il existe trois régimes de protection. D'abord le plus lourd, la curatelle, intervient lorsqu'une personne est inapte à prendre soin d'elle-même et à administrer ses biens, "de façon totale et permanente". Puis, le conseil de tutelle, lorsque la personne est inapte de façon partielle. "Par exemple, elle est capable de gérer le quotidien, mais a besoin d'être représentée pour signer un bail ou gérer son portefeuille", dit Me Hélène Guay. Enfin, un conseiller au majeur peut être nommé pour appuyer une personne aux prises avec une incapacité légère.
C'est le tribunal ou le notaire, ainsi qu'un groupe formé de membres de la famille, d'amis et d'alliés de votre père, qui détermineront qui sera le tuteur, le curateur ou le conseiller.
RESSOURCES
Le Curateur public du Québec propose une brochure détaillée sur le mandat en prévision de l'inaptitude sur son site Web
(www.curateur.gouv.qc.ca).
Educaloi explique sur son site Web comment prévoir un mandat avec son parent ou comment mettre en place un régime de protection, dans la section Aînés
(www.educaloi.qc.ca).
LA PROCURATION
La situation : Votre père a rendu l'âme, laissant à votre mère une petite fortune dans le portefeuille familial. Elle insiste pour que vous vous en occupiez.
À vous d'agir : Il vous faut une procuration, un contrat par lequel votre mère désigne une autre personne pour la représenter et pour agir en son nom. Elle doit être signée alors que votre mère est encore lucide. "La procuration n'est plus valide lorsque le parent devient inapte", prévient l'avocate Louise Boyd.
Une procuration peut être générale. Elle vous autorisera alors à administrer les biens de votre mère. Elle peut aussi être spécifique à des actes précis, comme la gestion du portefeuille de placement ou d'un compte de banque.
La procuration peut se faire chez un juriste, mais il est aussi possible de la rédiger vous-même. Pour être valable, elle doit contenir la date de sa rédaction, le nom du mandant (votre mère) et des mandataires (dans ce cas, vous), la description de la responsabilité qui vous est conférée et la signature du mandant.
Si votre mère change d'idée, elle peut révoquer la procuration. Aucune procédure spéciale n'est prévue. "Par exemple, dans le cas d'une procuration bancaire, votre mère n'a qu'à se rendre à l'institution bancaire où ses avoirs sont déposés et signifier aux préposés que la procuration est annulée", dit Me Boyd.
RESSOURCES
Les ressources suivantes expliquent ce qu'est une procuration et comment en rédiger une dans le cadre de la loi :
Le site Web de Justice Québec
(www.justice.gouv.qc.ca) ;
Le site Web du Curateur public
(www.curateur.gouv.qc.ca).
PLACER VOS PARENTS DANS UNE RÉSIDENCE
La situation : Vos parents doivent aller vivre en résidence. Ils ont besoin de soins, mais ils éprouvent beaucoup de tristesse à l'idée de quitter leur maison. Pour les convaincre, vous devrez trouver la résidence qui conviendra tant à leurs besoins qu'à leur budget.
À vous d'agir : Il existe des outils pour connaître les résidences de votre région. La FADOQ a publié des bottins dans le cadre de son Programme d'appréciation des résidences privées ROSES D'OR. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a aussi constitué un registre informatique interactif des résidences pour personnes âgées, accessible par Internet, tout comme l'a fait le Regroupement québécois des résidences pour aînés.
Vous pouvez également faire appel aux services d'un conseiller en hébergement, spécialisé dans la recherche d'une résidence en fonction des besoins et du budget du client. Les services sont généralement gratuits, et le conseiller reçoit une commission des résidences.
Se loger dans une résidence au Québec, coûte en moyenne 1 466 dollars par mois, selon une évaluation de la SCHL. Dans les CHSLD publics, le prix est fixé selon le revenu.
Pour calculer combien vos parents devront débourser, la Régie de l'assurance maladie propose un outil Web de simulation du calcul de la contribution financière (www.ramq.gouv.qc.ca). Au privé, les prix varient entre plusieurs centaines de plusieurs milliers de dollars, selon les services offerts et le niveau de luxe désiré.
LE PARENT ESCROQUÉ
La situation : Depuis quelques années, votre frère est mandataire de votre mère malade. La gestion qu'il fait de ses finances est louche. Des montants d'argent disparaissent de manière inexpliquée.
À vous d'agir : "Le premier réflexe est d'en parler à la personne touchée", dit l'avocate et conférencière Hélène Guay. Pour pouvoir mettre un terme au mandat, il faut avoir des motifs sérieux, prévient-elle. Si la famille craint, par exemple, la dilapidation des biens ou la liquidation prématurée d'une maison. "Dans un tel cas, il faut agir vite", dit la juriste, qui suggère de se tourner vers le conseiller en placement de votre mère pour confirmer vos soupçons. "C'est une personne neutre", dit-elle.
Si vos craintes sont justifiées, vous pouvez porter plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ou auprès du Curateur public. Ce dernier a droit d'enquête et de regard sur les agissements d'un mandataire. Il peut demander la révocation du mandat. Cette procédure pourrait entraîner l'ouverture d'un régime de protection, qui place une personne sous la protection d'une curatelle, d'une tutelle ou d'un conseiller au majeur.
Vous pouvez aussi vous adresser au tribunal qui a homologué le mandat pour que ce dernier soit révoqué, parce qu'il n'est pas fidèlement exécuté. Le juge remplacera votre frère par l'autre personne désignée dans le mandat, s'il y en a bien une deuxième. Sinon, il ordonnera lui aussi l'ouverture d'un régime de protection.
RESSOURCE
Educaloi explique comment faire révoquer un mandat d'inaptitude dans la section Aînés de son site Web (www.educaloi.qc.ca).
LA MAISON INTERGÉNÉRATIONNELLE
La situation : Votre mère, veuve, veut déménager chez vous. Elle est séduite par le concept de la maison intergénérationnelle. Si cette idée lui permet de réaliser plusieurs économies, vous devrez pour votre part prévoir certains coûts. Il faudra peut-être construire une annexe à la maison ou adapter la salle de bain. Combien ça coûte, tout ça ?
À vous d'agir : Il vous faudra d'abord aménager la maison. "L'espace destiné au parent doit être suffisamment vaste et adapté à sa condition physique", prévient Vanessa Bevilacqua, conseillère aux dossiers socio économiques du réseau FADOQ. Sont donc à prévoir chambre chauffée, salle de bain et téléphone privé.
Vous devrez, par exemple, poser une rampe dans l'escalier ou installer un nouvel éclairage. "L'idéal est de posséder deux entrées, deux boîtes aux lettres, deux lignes téléphoniques", dit Vanessa Bevilacqua. Si le parent est handicapé, d'autres dépenses sont à prévoir pour faire certains aménagements spécifiques, comme l'installation de barres d'appui ou l'élargissement des portes.
En ce qui concerne les dépenses courantes, la FADOQ suggère de régler à l'avance le partage des frais supplémentaires de chauffage, d'électricité, d'eau, de télévision par câble, pour éviter les conflits.
Notez qu'il existe des programmes d'aide financière gouvernementale. D'abord, les crédits d'impôt pour les aidants naturels peuvent atteindre 1 062 dollars pour chaque proche hébergé. Ensuite, les crédits d'impôt pour le maintien à domicile d'une personne âgée sont accordés aux personnes de plus de 70 ans qui vivent à la maison. Ils sont d'un maximum de 4 680 dollars par an pour une personne autonome et de 6 480 dollars pour une personne non autonome. On peut obtenir des renseignements détaillés sur ces programmes auprès de Revenu Québec.
RESSOURCE
La Société d'habitation du Québec offre plusieurs conseils sur la maison intergénérationnelle dans la section Propriétaires de son site Web (www.habitation.gouv.qc.ca).
LE TESTAMENT
La situation : Vos parents ne sont plus tout à fait lucides, et vous ne savez pas si leurs testaments sont en ordre. À quand remonte la dernière version ? Inutile de le leur demander, ils ne le savent pas non plus. Avez-vous le droit de lire les documents avant leur décès pour vous assurer de leur conformité ?
À vous d'agir : Non. "Sans le consentement de leurs parents, les enfants ne peuvent pas consulter leur testament, encore moins le modifier, dit Me Louise Boyd, de la Clinique juridique Juripop. Ils pourront le lire au décès de leurs parents."
La loi est claire : seul l'auteur d'un testament peut le modifier. Pour qu'un testament soit valable, il faut que la personne qui le rédige soit mentalement apte à le faire. "Si les parents montrent des signes de sénilité, le notaire ne pourra pas autoriser la signature d'un testament, ni une modification à celui-ci s'il en existe déjà un, puisqu'il est de son ressort de déterminer l'état d'esprit de l'auteur au moment de signer", explique Me Boyd.