SNC-Lavalin : un rapport et bien des questions

Publié le 31/03/2012 à 00:00

SNC-Lavalin : un rapport et bien des questions

Publié le 31/03/2012 à 00:00

Est-il possible de sortir 56 millions de dollars (M$) d'une multinationale du Québec sans que personne ne soit un jour capable de dire où est allé cet argent ?

C'est la conclusion en tout cas du rapport d'enquête commandé par le conseil d'administration de SNC-Lavalin. L'affaire concerne ces fameuses dépenses affectées à des projets auxquels elles n'appartenaient pas.

Revenons rapidement sur les faits.

Essentiellement, le rapport permet de voir qu'il ne s'agissait pas d'un seul, mais de deux événements.

En 2009, l'ancien grand patron de la division construction de SNC, Riadh Ben Aïssa, a une première fois engagé un agent (démarcheur) pour aider à obtenir une participation dans un projet. La présence de faux documents fait en sorte qu'on ne sait trop qui était cet agent. En fait, on ne sait même pas s'il a fourni une prestation de service. On sait cependant que deux paiements totalisant 22,5 M$ US lui ont été versés en 2010 et en 2011. Le chef de la direction financière a eu connaissance de l'irrégularité et l'a signalée au président Pierre Duhaime, qui a quand même avalisé le paiement.

En 2011, Riadh Ben Aïssa a de nouveau indiqué avoir engagé un agent pour l'obtention d'un contrat. Même situation que précédemment. On ne sait pas qui a été engagé, ni ce qu'il a fait. Cette fois, plutôt que de passer par sa division, M. Aïssa semble avoir suivi la procédure en place et demandé au chef de direction financière et au patron de SNC International de faire un paiement de 33,5 M$ US. Ceux-ci ont refusé, et le dossier s'est retrouvé chez Pierre Duhaime, qui a autorisé le paiement. Incapable de dire où est allé l'argent, SNC-Lavalin estime cependant qu'il n'est vraisemblablement pas allé en Libye.

Que penser de cela ?

L'enquête répond à un certain nombre de questions, mais en soulève d'autres tout aussi intrigantes.

Le fait que SNC estime que l'argent n'est vraisemblablement pas allé en Libye est une indication qu'elle en sait plus qu'elle ne veut (ou peut) en dire sur l'histoire.

Quelque chose nous dit qu'elle soupçonne la destination prise par l'argent.

Voici pourquoi.

L'entreprise affirme que Pierre Duhaime a pleinement collaboré à l'enquête. Il est surprenant dans cette situation qu'on ne puisse savoir à qui étaient versés ces paiements, ou à tout le moins à quelles fins ils devaient servir. Le chef de la direction financière et le président de SNC International avaient refusé d'autoriser le paiement de 33,5 M$. La décision a été déférée à M. Duhaime. Il doit forcément avoir posé des questions sur le pourquoi de ce paiement et à qui il était destiné.

La valeur des contrats était en outre trop importante pour qu'on puisse parler d'une simple question de rubber stamping de la part de M. Duhaime. SNC indique que les contrats d'agence ont en moyenne été de 700 000 $ au cours des trois dernières années. On parle ici d'ententes de 22 M$ et 33,5 M$ US.

À l'évidence, on visait de grosses cibles : des noms et des stratégies d'approche ont dû être fournis.

Pourquoi SNC est-elle silencieuse ? Les preuves lui manquent sans doute.

Vivement une intervention rapide de la GRC et d'Interpol pour tenter de faire plus de lumière sur ce qui s'est passé.

En attendant, M. Duhaime ne paraît pas très bien, ni le conseil d'administration, lorsqu'il dit que l'ex-pdg aura droit à une indemnité de départ. S'il collabore à l'enquête, il doit avoir expliqué à quoi allaient servir des paiements d'une telle importance et pourquoi on tentait de les inscrire à d'autres projets. On est pourtant incapable d'expliquer leur finalité.

La suite pour l'investisseur ?

Côté Bourse, la question est davantage de savoir si les gestes sont isolés, ou s'il existe un système de pots-de-vin chez SNC. La deuxième hypothèse n'est pas sans risque pour le carnet de commandes.

Bien qu'il soit impossible de conclure avec certitude sur cette question, le président du conseil, Gwyn Morgan, s'est montré assez convaincant dans son plaidoyer pour des incidents isolés. S'il y avait d'autres cas d'importance, on peut supposer qu'ils seraient aujourd'hui sortis.

Néanmoins, on ne dirait pas qu'il est temps de faire le plein d'actions de SNC-Lavalin. La société estime que son bénéfice pour 2012 devrait être identique à celui de 2011. C'est moins que ce qu'attendait le marché.

En excluant les activités de son portefeuille d'infrastructures, plusieurs analystes voient maintenant le consensus des bénéfices de SNC passer de 2,35 $ à 1,60 $ par action.

Historiquement, le titre s'est négocié à 15 fois le bénéfice attendu. Mais dans le contexte actuel, il est douteux qu'on applique un multiple supérieur à 12. C'est donc une valeur de 19 $ qui devrait être accordée aux activités d'ingénierie. Somme à laquelle il faut ajouter une vingtaine de dollars pour la valeur estimée de son portefeuille d'infrastructures.

Résultat : un cours qui devrait se situer autour des 40 $. Les investisseurs achètent actuellement à plus de 42 $. Une autre valeur dont on n'est pas trop sûr dans cette histoire...

DANS LE DÉTAIL

Le titre sur cinq ans

SNC-LAVALIN (SNC ; 39,27 $)

Sur le radar

Recommandation des analystes

Achat 2

Surperformance 4

Conserver 7

Sous-performe 0

Vendre 0

Données de marché

Symbole: SNC

Prix actuel: 39,27 $

Fourchette 52 sem.: 36,56 $ - 59,97 $

Dividende: 0,88 $

Valeur boursière: 6,2 G$

Prévisions de bénéfices par action

ANNÉE / 2012 / 2013

31 déc. / 2,71 $ / 3,11 $

T1 / 0,58 $ / 0,66 $

T2 / 0,62 $ / 0,74 $

T3 / 0,71 $ / 0,82 $

T4 / 0,72 $ / 0,74 $

Cible des analystes

Moyenne: 50 $

Plus élevée 63 $

Plus basse 43 $

Sources : Bloomberg, Thomson Reuters

blogue > www.lesaffaires.com/francois-pouliot

francois.pouliot@tc.tc

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