Couche-Tard fait-elle un bon coup ?

Publié le 28/04/2012 à 00:00

Couche-Tard fait-elle un bon coup ?

Publié le 28/04/2012 à 00:00

C'est un grand coup qu'a frappé Alimentation Couche-Tard, la semaine dernière, avec l'acquisition de l'européenne Statoil Fuel & Retail. La plus importante transaction de son histoire fait passer le nombre de ses dépanneurs de 5 817 à près de 8 120. Une bonne affaire ?

1- Pourquoi Statoil vend et Couche-Tard achète ?

Si Couche-Tard achète, c'est qu'elle voit du potentiel. Si le géant pétrolier Statoil vend sa participation de 54 %, c'est qu'il en voit moins. Les motifs de transaction sont bons des deux côtés.

Depuis quelques années, les producteurs pétroliers ont tendance à vendre leurs stations- service. Les marges bénéficiaires à la pompe sont ordinaires, et sont nettement meilleures du côté de la production. Plusieurs préfèrent vendre les stations et réinvestir l'argent obtenu en amont. Pour bien rentabiliser une station-service, il faut aujourd'hui être doté de savoir-faire dans le dépanneur qui y est intégré, ce que plusieurs pétrolières n'ont pas.

Statoil Fuel & Retail semble avoir une expertise intéressante en exploitation de dépanneurs, mais ses capacités d'expansion à l'extérieur de son marché actuel (la Scandinavie et sa périphérie) étaient limitées. Les autres pétrolières (Shell, Esso, etc.) hésitaient à vendre à une concurrente leur réseau de distribution européen.

Avec l'arrivée de Couche-Tard comme propriétaire, l'inconvénient disparaît et la société québécoise peut espérer faire de Statoil sa base de lancement pour conquérir le marché européen.

2- Quelles sont les perspectives de croissance ?

C'est ce qui est le plus intéressant, mais aussi le plus difficile à évaluer.

Bien qu'Alain Bouchard dise avoir vu d'excellentes idées chez Statoil - qu'il souhaite importer ici - il ne cache pas que Couche-Tard veut exporter ses compétences de mise en marché pour augmenter la rentabilité et la contribution des dépanneurs européens.

C'est là que devrait se créer la croissance.Cela dit, la route ne s'annonce pas nécessairement facile. Et n'est pas sans risque.

Il y a une forte présence syndicale chez Statoil. Huit représentants ont été rencontrés. Il était intéressant de voir comment Alain Bouchard pesait ses mots au moment d'aborder le sujet en conférence de presse. «Nous sommes d'accord pour travailler ensemble et nous nous sommes entendus pour dire que sur certaines choses on ne s'entendrait pas», a-t-il dit. Le lendemain, on apprenait que les représentants syndicaux au conseil d'administration avaient voté contre le projet d'acquisition. Il sera intéressant de voir si les façons de faire de Couche-Tard peuvent s'implanter facilement dans cet environnement.

Les syndicats ne sont pas la seule interrogation dans le paysage. Avant l'annonce, la firme européenne DNB Markets était à «neutre» sur le titre de Statoil et entretenait d'importants doutes sur ses perspectives de croissance. Couche-Tard estime que le risque sur la rentabilité des activités de vente d'essence n'est pas très élevé, parce que le marché est déjà consolidé et qu'il est réparti entre quelques gros acteurs. DNB croit par contre que la rentabilité des activités de carburant ira en diminuant. La tendance semble être à l'installation de stations d'essence automatisées en Europe (sans dépanneur ni employés), particulièrement en Norvège, où leur proportion a grimpé de 12 % à 23 % en 10 ans. Ces stations risquent de déclencher de nouvelles guerres de prix et faire fondre les marges à la pompe.

Une nouvelle tendance des entreprises semble aussi de conclure des ententes d'achat d'essence directement avec le fournisseur plutôt que de passer à la station-service. Bien que Statoil vende aussi directement aux entreprises (BtoB), sa marge bénéficiaire est moins forte que celle avec le consommateur (BtoC). M. Bouchard estime que la différence n'est pas très importante.

Le débat sur les heures d'ouverture n'est pas non plus terminé en Scandinavie. En semaine, la plupart des grandes surfaces semblent ouvrir sur des heures étendues, mais des politiciens norvégiens suggèrent maintenant de les autoriser à ouvrir le dimanche.

Et, pour Couche-Tard, il y a évidemment un risque de change de plus.

3- Est-ce le moment d'acheter le titre d'Alimentation Couche-Tard ?

Le titre a fort bien réagi à la nouvelle, gagnant près de 15 %.

Essentiellement, le marché a en quelque sorte décidé d'appliquer au BAIIA des 12 derniers mois de la nouvelle entité le même multiple qu'il appliquait à celui de Couche-Tard (8,7 fois).

C'est dire que l'on pense que la croissance des bénéfices du nouvel ensemble ira à la même vitesse que celui de l'ancien Couche-Tard et que le marché n'anticipe pour l'instant aucune synergie de coûts (retranchés) ou de revenus (savoir-faire qui les augmente).

Pour l'investisseur qui a un horizon long terme et croit que la direction de Couche-Tard continuera d'obtenir autant de succès que par le passé (ce que l'on est personnellement porté à croire), le moment d'entrer peut être propice. La croissance des bénéfices devrait normalement s'accélérer, les façons de faire de Couche-Tard procurant un effet de levier à la rentabilité de Statoil.

Pour ceux qui doutent de l'Europe, des syndicats, n'aiment pas les jeux de devises, et croient que cette fois tout est vraiment différent, il n'est pas déraisonnable d'attendre pour voir un peu plus clair. En fait, même si l'on croit en Couche-Tard, on attendrait un peu.

DANS LE DÉTAIL

Le titre sur cinq ans

ALIMENTATION

COUCHE-TARD (ATD.B ; 39,52 $)

Recommandation des analystes

Achat 3

Surperformance 4

Conserver 4

Sous-performe 0

Vendre 0

Cible moyenne : 42,55 $

Données de marché

Symbole: ATD.B

Prix actuel: 39,52 $

Fourchette 52 sem.: 24,89 $ - 40,59 $

Dividende: 0,30 $

Valeur boursière: 7,5 G$

Prévisions de bénéfi ces par action

ANNÉE / 2013 / 2014

30 avril / 2,64 $ / 3,14 $

T1 / 0,69 $ / 0,76 $

T2 / 0,67 $ / 0,75 $

T3 / 0,58 $ / 0,75 $

T4 / 0,47 $ / 0,60 $

Cible des analystes

Moyenne: 42,55 $

Plus élevée 52,60 $

Plus basse 33,31 $

Sources : Bloomberg, Thomson Reuters

francois.pouliot@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/francois-pouliot

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